Avant l'extradition de M.
Camenisch d'Italie vers la Suisse
(feuille d'infos de TLMD, #5, juin 2002)
Il y a quelques années, Daniel Von Aarburg et Silvio Hounder,
deux cinéastes suisses, contactent Marco Camenisch en prison
en Italie pour l'informer d'un projet de documentaire sur sa vie
et sur son parcours de lutte dans les années 70/80. Après
des années de collaboration avec un travail que le compagnon
pensait plutôt impartial, un hebdomadaire suisse publie
un documentaire indigne. A ce propos, l'interview donnée
alors et les considérations de Marco a posteriori sont
très claires. La déformation opérée
par les auteurs ne suffit pas à effacer l'importance que
ses actions et ses écrits ont eu en Suisse, en Italie et
ailleurs. La tentative de le faire passer comme un individu isolé
au-delà de l'affection de sa famille et de quelques amis
s'oppose à une réalité faite d'un vaste réseau
de contacts solidaires que Marco continue de maintenir et promouvoir
au fil des années. Le 13 novembre 1979, un pilône
d'une ligne à haute-tension de la compagnie électrique
Rheintal-West est dynamité aux environs de la frontière
entre la Suisse et le Liechtenstein sur le canton des Grisons,
commune de Flasch. Quelques semaines plus tard, à 4h36,
le jour de Noël 1979, une autre déflagration détruit
un pilône de ciment et les transformateurs de la centrale
hydroélectrique de la Kraftwerke Sargaserland AG à
Sarelli. L'explosion provoque une interruption de courant et une
partie du liquide de refroidissement sort des transformateurs
en brûlant. Le 18 février de la même année,
l' " Initiative antiatomique " fait l'objet de strictes
mesures de surveillance. Le jour suivant, un attentat détruit
le " Pavillon du mensonge " construit pour des raisons
de propagande en faveur de la centrale nucléaire du chantier
de Kaiseraugt. Il n'y a pas de victimes, mais les dégâts
sont évalués à plus d'un million de francs
suisses. Après l'attentat contre la centrale de Sarelli,
plusieurs personnes sont arrêtées à Coira
et une prime de 10 000 francs suisses est offerte pour la capture
des auteurs de l'attentat. Suite à une délation,
le parquet de la Confédération émet des mandats
d'arrêt contre Marco Camenisch et René Moser. Ils
sont arrêtés le 8 janvier 1980. Le 30 janvier 1981,
le tribunal du canton des Grisons rend son verdict : Marco est
condamné à 10 ans de prison. En solidarité
avec les inculpés, alors que Marco était détenu,
des inconnus dynamitent le même pilône de la NOK qui
avait été endommagé deux ans auparavant.
Cela se passe à la même époque et à
la même heure.
Le 17 décembre 1981, six détenus dont Marco s'évadent
de la prison de Regensdorf. Au cours de leur fuite, se produit
un échange de coups de feu au cours duquel un gardien est
tué. Après l'évasion, Marco reste clandestin
pendant dix ans. Pendant ces années, beaucoup de compagnons
ont eu la chance de le rencontrer sous un faux nom, il se faisait
appeler Martino en Italie. Sa force et son honnêteté
révolutionnaire ont beaucoup apporté au mouvement,
peut-être même plus que ce qu'en pense Martino. Son
père meurt au cours de l'automne 1989. Lors de son enterrement,
la police encercle la zone, convaincue de la présence du
fils. Deux mois plus tard, le 3 décembre 1989, à
7h45, un douanier est tué par arme à feu. L'homicide
est naturellement collé à Camenisch. Le 5 novembre
1991, Marco et un autre compagnon sont arrêtés par
des carabiniers alors qu'ils se promènent à Cinquale
di Montignoso. Des coups de feu sont échangés, un
carabinier et Marco sont blessés. Il est condamné
à 12 ans de prison l'année suivante. Les sbires
suisses attendent la fin de sa peine italienne pour obtenir son
extradition et le condamner pour l'homicide de la garde-frontalière
et l'évasion ; en réalité, ils veulent lui
faire payer son irréductibilité, sa force et sa
cohérence. Ils sont décidés, afin qu'il ne
sorte pas, à lui faire payer les actions dont les deux
homicides qu'il n'a pas commis. Sa détention dans les prisons
italiennes n'a pas manqué d'attaques répressives
et d'un acharnement indescriptible : Il est aujourd'hui encore
inculpé au titre de l'article 270bis [association subversive]
par plusieurs magistrats, en plus de la farce de Marini. Son courrier
est toujours censuré.
[Traduit de l'italien, extrait de Pagine in Rivolta #14, janvier
2002, p. 26]