Dévastations la nuit du 10 janvier à Buenos Aires
LA FETE CONTINUE

(Feuille d'infos de TLMD, #5, juin 2002)

Hier, nous écrivions sur la traduction du document du groupe Libertad qui pendant l'après-midi sur la Plaza de Maio s'était regroupé avec des gens pour manifester devant le tribunal et l'encercler. En soirée, les gens sont redescendus dans la rue dans presque toute la capitale ainsi que dans la province de Buenos Aires. Vers 10h30, à chaque croisement, des gens arrivaient en tapant sur les casseroles (" cacerolazo ") et avec tous objets qui faisaient un maximum de bruit. En peu de temps, une marée humaine commence à parcourir les grandes avenues du centre. Aux alentours de la Plaza de Maio, ils redemandaient la tête d'un autre président jusqu'au portail de sa demeure. Cette fois-ci, la police ne s'y attendait pas. Devant la Casa Rosada, il n'y avait pas de barrière de protection sur une cinquantaine de mètres comme d'habitude... Les gens ont été jusqu'au portail en faisant un bruit incroyable, grisés par leur propre fête, émus et stupéfaits d'eux-mêmes. Ils fêtaient leur joie !

LE ROI ETAIT A NOUVEAU NU, nu comme un vers, mais Dualde, était si fatigué de tant de bruit après deux heures d’affilée, qu'il a lancé ses sbires pour nettoyer la place. Tout d'un coup, les lacrymogènes, des tirs et des charges. Les gens se dispersent à la va-vite dans les trois grandes rues qui amènent vers l'avenue 9 de Julio. La fête commence. Au début timidement, ensuite le nombre de personnes augmente et commence à s'occuper des banques, des Mc Donald's, des bureaux administratifs trouvés le long du chemin. Quelqu'un monte sur le clocher de la cathédrale, fait sonner les cloches puis y met le feu. L'avenue Callao se remplit de manifestants qui ont été chargés Plaza Congreso. A la hauteur de l'avenue Corrientes se réunit une nuée de jeunes encagoulés au milieu de gens de tous âges et commence à attaquer systématiquement tout ce qui leur tombe sous la main.

Ils agissent sélectivement contre tous les symboles du Capital, ne laissant intact aucune banque, Mc Donald's, en rentrant dedans et en brûlant tout ce qui s'y trouve. Dans le reste du centre-ville, ils saccagent et mettent aussi le feu. Dans des zones plus périphériques, d'autres gens brûlent des voitures pour faire des barricades, les festivités continuent avec le saccage de tous ces symboles. Tout autour du Congrès les sbires commencent leur chasse jusqu'à l'avenue Cordoa vers le nord et par l'avenue Entre Rios vers le sud. Sur l'avenue Cordoba, arrivent des véhicules de flics grillagés avec les portières ouvertes et la pointe d'un fusil qui dépasse. Ils sont guidés par les phares des hélicoptères qui suivent les groupuscules qui se dispersent après les dévastations puis commencent à tirer comme des lapins, dans le dos, les gens qui détalent aussi vite qu'ils peuvent. Il est déjà 5h du matin et chaque coin de Buenos Aires brûle alors que les patrouilles circulent à la recherche des victimes. Les médias disparaissent. Il n'y a aucune image à la télé sinon celle du “calme” deux heures après. Dans les kiosques apparaissent les premières pages des quotidiens qui annoncent les affrontements, les arrestations et les blessés, mais radios et télés ont aujourd'hui encore à peine envoyés quelques images des destructions, accompagnées d’interviews de soi-disant utilisateurs fâchés pour avoir trouvé leurs banques hors d'usage dans toute la ville. Pendant qu'on s'éloignait, tout le monde se donnait rendez-vous pour le lendemain " parce que nous devons revenir demain, après-demain, etc... ". Qui sait ce qui se passera... Nous n'avons pas de nouvelles précises sur le nombre de détenus et de blessés du cours de la nuit. Nous sommes seulement au courant de trois personnes détenues alors qu'elles volaient dans un kiosque, et d'une autre arrêtée dans une banque.

Quelques personnes en colère de Buenos Aires

[traduit de terra selvaggia, mars 2002, n°10, p.11]