25 ans de répression " antiterroriste " européenne


juin 1976
: une résolution du Conseil européen met sur pied le groupe " Terrorisme, Radicalisme, Extrémisme et Violence Internationale " (TREVI, aujourd'hui TREVI 92), un groupe d'échange d'informations " sur la coordination de la lutte contre le terrorisme et sur les méthodes de formation " * des flics. (Echange entre autres des données sur les hooligans, les techniques de maintien de l'ordre, les manifestants anti-mondialisation ; organise des " rencontres et programmes d'échanges entre écoles de police ", etc.).

janvier 1977 : " Convention européenne pour la répression du terrorisme ", qui " énumère les infractions qui peuvent être considérées comme des actes de terrorisme par les états signataires et en tire des conséquences au plan de l'extradition ". Désormais, les états ne peuvent plus " opposer à l'état requérant le caractère politique de l'infraction, la connexité avec une infraction politique ou le mobile politique de l'auteur ". Le parlement français ratifie cette Convention en 1987.

1985-1995 : signature (1985) puis Convention d'application (1990) des accords de Schengen (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, rejoints par d'autres états au gré de l'extension de l'UE), qui crée un espace de " libre circulation des personnes et des biens ", et prévoit une coopération policière (droit de suite sur une bande de 10 km), une coopération judiciaire et un fichier commun (des personnes, objets et véhicules recherchés) : le " Système d'information Schengen " (SIS). Les accords entrent en vigueur en 1995 ; le SIS est alors effectif.

1986 : en France, adoption par le parlement des premières règles de procédures juridiques et ébauche de définition de l'activité dite terroriste (pas encore incriminée en tant que telle). L'essentiel de ce qui constitue aujourd'hui la législation " antiterroriste " en vigueur est voté entre 1986 et 1994, date d'entrée en application du nouveau code pénal. La loi " antiterroriste " s'engraisse régulièrement depuis, de nouvelles dispositions et définitions toujours plus larges.

1986 : accord franco-allemand de coopération contre le " terrorisme ".

1987 : accord franco-espagnol " de Gerone ". 1990 : accord franco-italien.

1991-1993 : signature à Maastricht (Pays-Bas) en décembre 1991 - février 1992 du Traité sur l'Union européenne, qui entre en vigueur en 1993 et qui institue, entre autres, une compétence européenne en matière de justice et de police : le Conseil des ministres de la justice et des affaires intérieures (Conseil JAI), qui regroupe au niveau communautaire les ministres des instances répressives des états membres. Présenté comme le " troisième pilier " de l'UE, après l'union économique et monétaire, et la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), le conseil JAI est compétent pour la politique d'asile, la politique d'immigration, la " lutte contre la toxicomanie ", la coopération douanière, etc., et, bien entendu, la " coopération policière en vue de la prévention et de la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite de drogue et autres formes graves de criminalité ". Sorte de ministère supra-répressif qui vise à protéger le vaste espace intérieur Schengen, ce conseil " arrête les décisions et actions communes, sur proposition d'un état membre, de la Communauté ou du Comité de coordination (COREPER) composé de hauts fonctionnaires ". Il est également responsable du contrôle global et des orientations d'Europol, et organise la collaboration judiciaire européenne en matière d'extradition.

1990-2000,... : Europol. L'idée d'un office européen de police est lancée par les Allemands en 1990, et retenue lors du sommet européen de Luxembourg en juin 1991. La création d'Europol est officiellement prévue par le traité de Maastricht sur l'Union européenne en février 1992. L'Office démarre ses activités en 1994 (elles sont alors limitées au domaine des stupéfiants). Mais la Convention Europol - portant effectivement création de l'Office européen de police -, est finalisée en juillet 1995. Elle entre en vigueur le 1er octobre 1998, après avoir été ratifiée par tous les états membres. Et c'est le 1er juillet 1999, après toutes les modifications juridiques qu'entraîne la ratification d'Europol, que l'ensemble de ses activités démarrent. Europol est installé à La Haye, aux Pays-Bas.Europol est un office de police criminelle intergouvernemental, dont l'objectif affiché est d'améliorer l'efficacité des services répressifs nationaux, et leur coopération en matière de prévention et de lutte contre les " formes graves de criminalité internationale organisée ". Son champ d'action comprend des domaines très variés et en nombre croissant : trafic de stupéfiants (l'" Unité Drogues Europol "- EDU - créée en 1993-94 dans le cadre du Conseil JAI, est restée pendant longtemps le seul domaine d'activité d'Europol) ; filières d'immigration clandestine ; trafic de véhicules volés ; trafic d'êtres humains (dont la " pornographie enfantine ") ; trafic de matières nucléaires ; faux monnayage ; terrorisme ; blanchiment d'argent en matière de stupéfiants, etc., - dès lors qu'il existe une structure ou une organisation criminelle, et que deux états ou plus sont concernés.Ses fonctions principales sont :
- Faciliter l'échange de données entre polices nationales, par l'intermédiaire des officiers de liaison Europol (OLE) détachés auprès d'Europol par chaque état : transmission simplifiée et en direct des informations nécessaires aux enquêtes nationales ; coordination et centralisation des enquêtes sur des " organisations criminelles " de dimension européenne, voire internationale ; soutien à la structure de liaison opérationnelle des responsables des services de police européens (" task force "), afin de permettre l'échange d'expériences, de pratiques et d'informations sur les tendances de la criminalité transfrontalière ; travail en commun avec Eurojust (voir infra) ; transmission de données aux équipes communes d'enquête (voir infra), etc.
- Fournir un travail d'analyse et de rapport des " activités criminelles " : rassembler et analyser les renseignements ; fournir des analyses pour servir aux opérations menées par les états ; prodiguer son expertise dans le cadre des enquêtes menées par les polices nationales, etc. En ce domaine, Europol s'emploie globalement à promouvoir l'analyse criminelle et l'harmonisation des méthodes d'enquête.
- L'assistance technique aux enquêtes et opérations policières des états : outre la communication aux états des données les concernant, Europol participe activement au travail de répression, en envoyant sur place des experts ; en créant des équipes communes d'enquêteurs (policiers, douaniers, gendarmes) ; en demandant aux polices nationales d'enquêter sur des affaires concernant plusieurs états (recommandation du Conseil européen de septembre 2000). Le traité d'Amsterdam signé en octobre 1997 et entré en vigueur en mai 1999 confirme le rôle opérationnel d'Europol en matière de coordination et de mise en œuvre d'actions spécifiques d'enquête menées par les états, y compris d'actions opérationnelles d'équipes conjointes (rassemblant la flicaille de plusieurs états). Par une recommandation du Conseil européen du 30 novembre 2000, les états sont donc incités à utiliser les possibilités d'appui d'Europol aux équipes communes d'enquête : Europol peut coordonner les opérations menées par ces équipes, leur octroyer des conseils techniques, les assister en matière de connaissance des milieux criminels et dans le domaine de l'analyse des faits incriminés ; cette participation active d'Europol s'effectue par l'intermédiaire des unités nationales Europol (UNE).
- Le système informatique Europol (TECS) : la convention Europol prévoit l'installation d'un système informatisé permettant l'introduction, l'accès et l'analyse de données. Alimenté directement par les états membres, ce système est en cours d'achèvement et devrait être opérationnel en 2002.Europol est le " forum adéquat (...) pour élaborer le nouveau modèle de sécurité commune pour l'Europe " (dixit le ministre de l'intérieur espagnol, à l'occasion de la première conférence antiterroriste d'Europol qui a eu lieu à Madrid, en février 2001 (voir infra)). Cette union de flics européens n'a pas, à l'heure actuelle en tout cas, de pouvoirs propres d'investigation et de procédure (ne peut pas effectuer d'arrestation, par exemple). C'est un organe technique intergouvernemental qui agit essentiellement par la coordination et la transmission d'informations, sous le contrôle et la responsabilité juridique des états, réunis dans le Conseil JAI. Toutefois, ses compétences et ses pouvoirs ne cessent de s'élargir ; et on peut penser que l'offensive " antiterroriste " à l'ordre du jour en Europe produira logiquement ses effets sur le renforcement des marges de manœuvre et sur l'autonomisation de cette bande de crevures patentées.En décembre 2000, pour harmoniser plus encore l'Europe des flics, une académie européenne de police fut créée sous la forme d'un collège européen de police (CEPOL), afin de former les hauts responsables des services de police des états membres de l'UE et des états candidats à l'adhésion.Budget 2001 d'Europol : 35,4 millions d'euros.Actuellement Europol occupe 242 personnes au total (environ 350 d'ici 2003), provenant de tous les états de l'UE, dont 44 officiers de liaison Europol (OLE).

octobre 1997 : le traité d'Amsterdam prévoit de faciliter l'extradition entre états et d'adopter des règles minimales de qualification et de sanctions des infractions relatives à la criminalité organisée et au terrorisme.

octobre 1999 : le conseil européen de Tampere (Finlande) a pour objectif la mise en marche de l'espace de " libre circulation ", de " sécurité et justice prévu dans le traité d'Amsterdam ". Ses thèmes principaux sont donc, outre la " libre circulation ", la lutte contre le crime organisé y compris le terrorisme, et la création de l'espace judiciaire européen. C'est dans le cadre de ce conseil que fut décidé la création d' " Eurojust ", une " unité de coopération judiciaire " composée de procureurs, de magistrats ou d'officiers de police ayant des compétences équivalentes, détachés par chaque état, dans le but de renforcer la coopération judiciaire pratique en matière de lutte contre la " criminalité transfrontalière ". Eurojust a pour mission de contribuer à une bonne coordination entre les autorités nationales chargées des poursuites, et d'apporter son concours dans les enquêtes relatives aux affaires de " crime organisé ", notamment sur la base des analyses effectuées par Europol. Le conseil de Tampere prévoit également une procédure de simple remise entre états des personnes poursuivies, basée sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice et se substituant à l'actuelle procédure d'extradition (le m.a.e. avant l'heure). Eurojust étant le pendant judiciaire d'Europol, les états sont vivement encouragés par le conseil européen de décembre 2000, à Nice, à collaborer par l'intermédiaire de ce groupe d'inquisiteurs.

29 janvier - 2 février 2001 : la première conférence " antiterroriste " d'Europol a lieu à Madrid. Elle réunit les responsables policiers de tous les pays de la communauté européenne, avec 87 responsables des polices de divers pays et des représentants de la Commission européenne. A l'occasion de cette conférence, le ministre de l'intérieur espagnol, co-organisateur de l'événement, affirme que " le terrorisme n'est pas seulement un groupe de commandos qui agissent, mais un projet qui cherche à s'installer dans la société, et pour le combattre il est nécessaire de lutter contre les structures sociales, économiques, politiques et y compris les moyens de communication qui l'appuient et l'alimentent ". Cette première conférence " antiterroriste " d'Europol fut scellée par la signature, par les responsables policiers européens, du " document Madrid ", sorte de guide Europol dans la lutte " antiterroriste ", contenant une analyse des " groupes radicaux ", et où figurent diverses propositions. L'une d'entre elles est d'appuyer l'initiative de l'Espagne, l'Italie, le Portugal et la Grèce " comme nouvelle expérience de groupe d'investigation conjointe relative au terrorisme anarchiste " ; au cours de la conférence, il fut annoncé que l'Espagne, l'Italie et la Grèce étaient arrivés à un accord pour créer un " groupe d'investigation afin de combattre le terrorisme de groupes radicaux qui sévissent dans les trois pays ". Pour la première fois donc, les groupes " anarchistes " et " radicaux " entrent officiellement dans le champ d'activités d'Europol. La création d'une " base de données " consacrée aux " terroristes les plus recherchés de l'Union européenne pour appuyer une recherche active de ceux-ci " fut également proposée, ainsi que la mise en place d'un système de récompenses financières pour ceux et celles qui balanceraient aux shérifs européens des informations sur les " terroristes ".

3-5 octobre 2001 : la police néerlandaise organise à La Haye une conférence sur les méthodes employées pour combattre les activistes anti-mondialisation, réunissant les officiers de police des capitales et grandes villes d'Europe, d'Amérique du Nord, d'Australie et de Nouvelle-Zélande. Au programme : partage d'informations et de techniques de maintien de l'ordre. Il fut aussi question de construire un réseau international de flics experts en ces questions, de mettre en place un échange permanent d'expertise, et d'intensifier la coopération internationale dans ce domaine-là.

Il existe en outre 12 Conventions et protocoles internationaux des Nations-Unies contre le " terrorisme " (sur les attentats à l'explosifs, les prises d'otages, les matières nucléaires, le financement du " terrorisme ", etc.)Un projet de " Convention générale sur le terrorisme international ", présenté par l'Inde, est en cours de négociation à l'ONU depuis l'automne 2000. Il prévoit en particulier une définition des infractions à caractère " terroriste " et complètererait les conventions sectorielles déjà existantes.