Luttes et Répressions en italie


Le 18 septembre 2001
, l'état italien démarrait une nouvelle opération répressive contre les anarchistes. Il lançait une vague de perquisitions sur toute l'italie. Il cherchait, officiellement, des informations sur des actions incendiaires et explosives revendiquées Solidarita Internazionale. Cette opération a été commandée par le substitut du procureur Stefano Dambruoso (qui a déjà traité des affaires contre des anarchistes) et orchestrée par la Digos (équivalent des RG effectuant des opérations de terrain) de la préfecture de Milan. Une centaine de lieux ont été perquisitionnés, aussi bien des habitations privées, que des centres sociaux ou des squats ; une vingtaine de villes ont été touchées. Les documents concernant les luttes contre les prisons, en particulier celle des prisonniers FIES, ou concernant l'espagne et la grèce ainsi que le matériel informatique ont été saisis. Une soixantaine de camarades ont été interrogé-e-s et une vingtaine sont mis-es sous enquête bien que remis-e-s en liberté pour le moment. Durant le raid aucune arme, aucune munitions, aucun explosif ne semble avoir été trouvés. Le 23 septembre, dans le cadre de la même affaire, des perquisitions ont eu lieu en Sardaigne. Le matériel saisi est essentiellement informatique.

Cette opération a été effectuée dans le cadre d'une enquête pour les délits relatifs à l'article 270 bis du code pénal [association subversive à but terroriste], pour avoir participé avec d'autres personnes, non identifiées, à une association également nommée Solidarita Internazionale, visant à renverser violemment le système économique et social constitutif de l'Etat, à commettre des actes de violence avec pour but l'attaque de chaque représentation politique / juridique de la société ou de l'Etat (comme le système carcéral) et en particulier des attentats contre des objectifs divers, des lieux de culte des casernes, des bureaux publics, à Milan d'octobre 99 à aujourd'hui. La première de ces actions fut l'envoi, le 26/10/99, d'un colis piégé à la caserne des carabiniers de Musocco-Milan, contenant 150 grammes de plastique, qui est désamorcé avant l'explosion. La deuxième fut le dépôt, le 28/06/2000, de bouteilles incendiaires à la Basilique de Sant' Ambrogio, découverte au lendemain d'une messe prononcée en l'honneur des gardiens de prisons. Et la troisième fut un autre dépôt, le 18/12/2000, au Dôme de Milan (cathédrale) d'un kilo de dynamite non amorcé, découvert par la police. Ces deux dernières actions furent effectuées contre l'église pendant le Jubilé 2000 pour lequel le pape avait demandé une amnistie pour les prisonniers. Les trois sont réalisées en solidarité avec la lutte des détenu-e-s FIES, avec le prisonnier Nikos Maziotis, (anarchiste grec, détenu pour avoir posé une bombe au ministère du commerce et de l'industrie) et contre toutes les prisons. Elles sont revendiquées Solidarita Internazionale, qui appartient à chaque individu qui garde dans son cœur le grain de la révolte, toujours prêt à germer et à se reproduire, sans autorité. (Extrait de la revendication du 18/12/2000.)

Ces perquisitions ont été effectuées dans le cadre d'une enquête visant les mouvements anarchistes insurrectionnalistes et, en particulier, ceux qui luttent - entre autres - contre le système carcéral et contre la société qui le produit. La lutte contre les prisons, aussi bien contre l'édifice carcéral que contre les lois et les normes est plus exacerbée en italie. Déjà parce que beaucoup de révolté-e-s ont connu les affres de la prison, de la cavale, de l'exil ou même la mort en prison ou entre les mains des flics. Aussi, car l'emprisonnement que nous subissons tou-te-s hors des murs y est accentué par l'utilisation généralisée des moyens de contrôle modernes (micros ou caméras cachés dans les véhicules ou dans les logements...), par le recourt fréquent aux " repentis " et par le risque perpétuel de se retrouver entôlé. Egalement parce que ce combat, pour tout individu épris de liberté, ne peut finir qu'avec la fin des prisons et de ce monde. Et enfin car ils et elles sont loin d'être seul-e-s dans cette lutte. Les luttes de prisonnier-e-s et les actions de solidarité y sont fréquentes.L'exemple des événements survenus en Sardaigne en mars / avril 2000 est significatif quant au niveau de violence dans l'affrontement opposant, d'un côté, les prisonnier-e-s et ceux et celles solidaires de leurs luttes et l'état de l'autre. A la suite d'une grève des directeurs de prisons, les détenu-e-s sardes sont privé-e-s de nourriture, d'eau et de cigarettes. Le 28 mars, ces dernier-e-s entament un mouvement de protestation. Le 3 avril, sur ordre de Rome, le personnel de la prison de San Sebastiano avec l'aide de troupes d'intervention de l'administration pénitentiaire, le GOM (les mêmes qui étaient à la caserne de Bolsaneto où sont passé-e-s les interpellé-e-s de Gênes) organise un tabassage méthodique des détenus. Ce fut un tel scandale que quelques 82 matons et la directrice elle-même sont mis sous enquête et certains condamnés (pour la forme). La nouvelle, se répandant dans les autres prisons, provoqua une vague de soulèvement à travers toute l'italie. Tandis qu'à " l'extérieur ", un maton ayant participé au tabassage voit sa maison mise en ruine suite à une attaque à l'explosif et un autre reçoit un coup de couteau dans un bal.

Ce raid visait les anarchistes insurrectionnalistes, non seulement pour leurs actions contre la prison, mais aussi pour leurs divers assauts contre l'ordre dominant et dernièrement leurs participations aux émeutes de Naples et de Gènes, lors des sommets de l'OSCE et du G8. Et si les participant-e-s à ces désordres urbains libérateurs sont très loin d'être tou-te-s anarchistes, il est plus facile pour l'état de cibler certains " mouvements " que d'admettre que la révolte est plus diffuse et violente. Et l'état italien pour y répondre utilise aussi bien le matraquage, que les perquisitions et condamnations multiples. Suite aux manifestations de Naples (du 16 et 18 mars 2001), deux personnes, Jesus Becores et Giuseppe Innamorato auraient dû passer en procès le 25 mai ; nous n'en avons pas de nouvelles. Plusieurs sont apparemment encore sous enquête, l'une d'elle, arrêtée le 16, est par exemple inculpé de détention d'explosifs. Les nombreuses personnes arrêtées à Gênes ont apparemment été toutes relâchées après des séjours plus ou moins prolongés en prison. Les étranger-e-s ont tou-te-s été interdit-e-s de territoire pour plusieurs années. Plusieurs instructions sont encore en cours.
Depuis, le tribunal de Venise a été détruit à l'explosif (le 9 août), plusieurs colis piégés et des lettres contenant des balles ont été envoyés à de hauts fonctionnaires de police... A ce propos, le 24 septembre, treize perquisitions sont effectuées dans la région de Florence, ordonnées par les procureurs chefs Fleury et Bocclocini. Huit personnes sont accusées dans le cadre de l'article 270 bis de tentative de meurtre et de différents délits moins graves, pour l'envoi, quelques semaines auparavant d'un colis piégé au préfet de Florence, Achille Sera. Dans ce contexte où certains reparlent " d'années de plomb " on peut voir un individu identifié sur les images de l'assassinat de Carlos Guliani se faire accuser de tentative de meurtre d'un policier (bien que l'accusation ait été réduite récemment à résistance à un policier). Tout comme à Turin, sur les déclarations d'un journaliste, corroborées par une vidéo invisible, Andrea (assigné à résidence depuis plus de deux mois), Mohamed et Federico sont accusés d'avoir, avec l'aide d'un fourgon, distribué des armes le 20 juillet à Gênes. Ou encore, le 18 septembre, dans cette même ville, une douzaine de personnes sont mises sous enquête pour avoir accroché une banderole devant une caserne des carabiniers, où il était marqué assassins. En plus, une manifestation contre l'OTAN s'est tenue à Naples et, s'il ne s'est rien passé, on pouvait présager du contraire. (Le sommet avait été déplacé à 20-30 km dans une zone ultra-militarisée.)

Il est clair que ces raids ont été notamment effectués en prévention de cette manifestation. La police et la justice italienne ciblent aujourd'hui les anarchistes insurrectionnalistes mais à travers eux tous ceux et toutes celles qui mettent à mal la toute puissance de l'état et du capital. Cette opération de police rappelle celle orchestrée par les ROS (Regroupement Opérationnel Spécial - groupe d'élite des carabiniers) et le juge Marini contre l'organisation fantomatique ORAI. Elles ont la même envergure, les mêmes cibles et toutes deux cherchent à créer, de toutes pièces, des organisations clandestines. De plus, l'appel du procès de l'ORAI (sigle qui n'est jamais apparu avant l'invention par la justice de cette organisation, contrairement à Solidarita Internazionale qui n'est cependant qu'une signature reproductible - dixie communiqué du 18/12/2000), demandé par Marini, doit survenir prochainement. La nouvelle affaire, concernant " Solidarita Internazionale ", lui fait écho.
Le 17 septembre 1996, une vague de perquisitions frappait toute l'italie. Depuis plus d'un an, l'état montait une opération avec l'aide d'une " repentie " qui ne connaissait aucun détail de ce dont elle parlait et qui, âgée pourtant d'à peine 20 ans, permettait d'élucider des affaires vieilles de 10 ans. Parti de l'arrestation de quatre anarchistes lors d'un braquage le 19 septembre 1994 à Serravalle (province de Trente), cette mauvaise farce juridique va permettre l'inculpation de plus de soixante individu-e-s. Le but est clairement, par l'utilisation de la législation antiterroriste, de faire taire, en poussant à l'exil, à la clandestinité ou en enfermant, ceux et celles cité-e-s. Le montage a été formellement désavoué par la justice elle-même en ne reconnaissant pas les accusations de bande armée et d'association subversive mais a quand même permis la condamnation de treize personnes. Cette affaire judiciaire était une réponse de l'état a une lutte qui dépassait de beaucoup les anarchistes, ciblés pour cacher une réalité de guerre sociale plus vaste et plus diffuse. Une lutte contre la construction d'une ligne de chemin de fer à grande vitesse (TAV), dans le cadre d'un chantier européen, qui, entres autres, devait ravager le val de Susa, mobilisa beaucoup de monde. Des initiatives multiples s'en suivirent. De l'été 1996, au début de l'année 1998, de nombreuses actions de destruction sont menées contre ce chantier et contre ses entrepreneurs. Le 5 mars 1998, à Turin, Silvano Pelissero, Eduardo Massari (Baleno) et Soledad Rosas sont arrêté-e-s sous le motif d'appartenance aux " loups gris " (encore une organisation fantomatique ! - une organisation turque s'appelle ainsi mais elle est d'extrême-droite). Il leur est imputé la détention d'explosifs, en réalité un feu de Bengale consumé et quelques bouteilles contenant du combustible. Le 28 mars et le 11 juillet, Baleno puis Sole sont retrouvé-e-s pendu-e-s respectivement en cellule et dans la communauté où elle était en liberté surveillée. Ces événements ont provoqué la rage de beaucoup. Après la mort de Baleno puis celle de Soledad, plusieurs émeutes (en particulier à Turin où toutes les vitres du palais de justice ont été brisées), des colis piégés, divers sabotages, le tabassage du journaliste Genco (3 mois de minerve) lors de l'enterrement de Baleno et de nombreuses autres actions (peintures sous forme de slogans ou de projectiles, banderoles, tractages ou prises de parole dans des lieux publics, surtout là où on ne les espérait pas) ont répondu à cette répression.Aujourd'hui Silvano est toujours en résidence surveillée (il a pris sept ans pour bande armée pendant que les autres membres présumés étaient reconnu-e-s innocent-e-s ad mortem). Luca Bertola, tenu comme l'un des responsables du tabassage du vautour Genco doit passer en appel (condamné à 3 ans en première instance). Tandis qu'Andréa Macchiaraldo, condamné à 5 ans dans la même affaire est toujours en cavale et que le dernier inculpé a été relaxé. L'appel de l'ORAI doit arriver et concerne toujours une soixantaine d'individu-e-s. Cependant, ce combat contre le TAV n'a pas cessé. Et alors que le chantier est en train de reprendre, ses opposant-e-s se mobilisent à nouveau.La lutte contre la haute vitesse s'intègre dans une lutte contre la technologie. Quiconque, attaché-e à la lutte pour la liberté, ne peut admettre que quelques savants, parmi les chevaliers de l'ordre (journalistes, flics, juges, politiciens, patrons…), ne cessent d'accroître leur puissance de contrôle sur nos vies. C'est pourquoi la lutte est totale et sans limite, même si pratiquement elle recouvre des aspects spécifiques de la domination et de l'aliénation.

La présence des anarchistes dans les luttes contre la prison, la technologie ou encore la guerre ne se limitent pas un point de vue théorique. Et c'est bien pour la mise en pratique de leurs envies d'en finir avec ce monde qu'ils sont attaqués par l'état. Ce ne sont pas des malheureux dont on censure les " belles idées " mais des individu-e-s qui opposent leur liberté ravageuse à l'ordre démocratique. La solidarité à leur égard ne peut-être celle d'un droit-de-l'hommisme en quête de justice mais bien celle de révolté-e-s désireux-ses de vivre et de déraciner, jusque dans l'esprit même, la domination.La guerre que mènent les anarchistes est loin d'être l'unique assaut mené par des individu-e-s en italie. De plus, elle prolonge les luttes des années 70 : ère de l'autonomie, mouvements de lutte armée. La répression a frappé fort ces différentes formes de révolte. Plus de cent personnes, refusant toute dissociation ou repentir, sont toujours en prison suite aux combats des années 70 / 80. Et la justice italienne traque toujours à travers toute l'europe certain-e-s qui en furent les acteurs-rices. Aujourd'hui l'état a intégré une partie de son opposition d'hier. Toute une mouvance autour des Tute Bianche travaille ouvertement avec l'état. Soit en participant directement aux instances du pouvoir, soit en se faisant l'auxiliaire des forces de police pour le contrôle de la rue. Mais la rage et l'esprit de révolte semble loin de s'éteindre. Même les " troupes " de Casarini (leader des Tute Bianche) semblent lui désobéir, comme à Gênes où la plupart se sont lancés dans les batailles aux côtés des black blockeurs-euses et autres émeutier-e-s. A travers cette nouvelle vague de répression contre des anarchistes, ce sont tous les révolté-e-s qui sont attaqué-e-s. On ne peut déconnecter cette affaire de la montée en puissance et de la radicalisation de nombreux mouvements anarchistes ou autonomes en Europe (toute relative, surtout face à l'armada et à l'arsenal de l'ordre dominant). En effet, l'esprit de révolte essaime ; pour faire face à une répression qui dépasse depuis longtemps les frontières, la solidarité doit abattre celles-ci. Les combats menés en italie sont les nôtres. Les luttes anti-carcérales, les dynamiques émeutières de Naples, de Gênes ou d'ailleurs ou encore les attaques contre les technologies de la mort et du contrôle sont internationales. Elles connaissent des victoires ponctuelles et permettent à travers des destructions partielles de ce monde de créer des espaces de liberté. Ce combat est propre à chacun-e et le rapport de liberté qui peut être conquis, l'est autant contre les forces multiples de l'état et du capital que contre soi-même. La lutte contre toute domination et contre toute aliénation entre les partisan-e-s de la liberté, le refus des normes et des lois permet la profusion éparse et diffuse de complicités opérationnelles. Et c'est bien le caractère spontané et non figé structurellement des adeptes du désordre qui inquiète les dominants. La solidarité se tisse par la révolte dans ses désirs et ses actes, et non par la commisération.

Villes touchées par la perquisition du 18 septembre : Aoste ; Cagliari ; Catania ; Cuneo ; Florence ; Grosseto ; Mestre, un domicile privé ; Modena, la Scintilla a été ravagé et le centre la Rivalsa expulsé par la même occasion, les habitant-e-s du lieux sont inculpé-e-s suite à une nouvelle tentative d'occupation violemment expulsé-e-s ; Mondovi, deux habitations privées ; Milan, quatre domiciles privés, la Villa Occupata a été ravagé (le sol a été détruit) et un étasunien expulsé et la Villa Litta ; Nuoro ; Orvieto ; Padoue, quatre logements privés ; Pise, un domicile et le bureau d'un groupe écologiste ; Sacile, un logement privé ; Sardignia, deux habitations au moins ; Trieste, cinq domiciles ; Turin, quatre logements privés ; Venise, trois habitations ; Verone, deux domiciles privés ; Vittorio Veneto, trois domiciles (cette liste peut présenter des erreurs).
Perquisition en Sardaigne le 23 septembre : à Cagliari, 5 domiciles privés et 3 personnes interrogées ; à Guasila et Serorbi un logement privé et le lieu de travail d'un personne ; à Terralba, une habitation et deux personnes interrogées ; plusieurs à Oroni.