A
mes compagnes/ons
Cette lettre nous l'envoyons à quelques compagnes(ons)
qui à leur tour la diffuseront à tous les groupes
et organisations libertaires.
Nous avons décidé, étant donnée ma
trajectoire de lutte, que ce serait moi qui parlerai au nom du
mouvement. Mon opinion, est que ce soit moi ou un autre, c'est
la même chose, bien que cette lettre, je l'écrs après
en avoir longuement discuté avec quelques compagnes(ons).
Je voudrais expliquer un peu ma trajectoire de lutte tant que
révolutionnaire, parce que depuis que j'ai été
arrêté en Espagne, j'ai lu et entendu beaucoup de
sottises provenant soit des organes de désinformations
de l'Etat, soit de quelques franges du mouvement. Je voudrais
le faire parce que je n'est jamais rien voulu éclaircir,
mais je crois qu'aujourd'hui le moment est arrivé.
Je suis né dans une famille humble et à 13 ans,
je vais m'insérer dans le monde du travail. A 15 ans j'ai
commencé mon militantisme à l'usine et dans la vie.
Après être passé à " Autonomia
Opéraia " (autonomie ouvrière), un mouvement
avec une forte présence dans les usines et dans les universités,
en 1978, avec quelques compagnons de l'autonomie et d'autres de
sensibilité voisine; nous fondons les " Prolétari
Armati per il Communisme " (prolétaires armés
pour communisme). C'était un groupe principalement marxiste-léniniste,
bien que très vite il se soit raccroché de quelques
principes libertaires. Je ne saurai expliquer pourquoi, peut-être,
ce fût dû au fait que puis le début, des composantes
variées du groupe appartenait à ceux qu'aujourd'hui,
nous appelons les rebelles sociaux et que notre lutte se focalisait
déjà alors sur le tissu pénitentiaire.
Ce ne fut pas pour moi une découverte. Je crois que tous
les révolutionnaires peuvent raconter un fait ou ne anecdote
qui réveilla leur conscience... ce fut pour moi la vie
et la mort de Sacco et Vanzetti. L'objectif prioritaire de mon
groupe était la destruction de la prison et la solidarité
avec les compagnes(ons) incarcérées(és).
Une solidarité qui se traduisit par l'assaut de la prison
de Frosinone (?) pour libérer deux compagnons et de nombreuses
autres actions contre l'institution pénitentiaire et ses
bourreaux toujours responsables directement des plus immondes
tortures.
A la fin des années 1980, le groupe fut décimé
par es forces répressives. Au début de 1981, je
passai la frontière et me stabilisais en France. A partir
de ce moment-là, mon activité s'orienta vers des
actions d'expropriations pour pourvoir aux dépenses de
mes compagnes(ons) détenues(us) et pour financer la publication
de revues et des bulletins de contre-information anarchistes.
En 1989, je passai en Espagne où je continuai mes activités
en soutien à mes compagnes(ons) italiennes(ns) jusqu'à
ma détention en décembre 1996. A Cordoba, s'achevèrent
16 années de vie clandestine et commença ma présence
dans les camps d'extermination de l'Etat.J'espère avoir
comblé avec ce bref résumé, la curiosité
de beaucoup de compagnons(es) et d'autres... qui auront je l'espère
la décence de se taire. Depuis quelques mois, ensemble
nous avons ouvert un espace de lutte contre la prison. En premier
lieu et avant tout, nous voudrions remercier de tout cur
les compagnes (ons) qui nous soutiennent. Par cette lutte, bien
au delà des revendications, beaucoup de ceux qui y ont
adhéré depuis le début, cherchent à
atteindre l'expansion du mouvement en tant qu'objectif concret
et immédiat.
Nous le voyons comme une nécessité commune pour
neutraliser l'augmentation, la progression des fortifications
de l'Etat qui sous des prétextes du développement
global de l'économie et du bien-être des entreprises,
réprime les révolutionnaires, les gens qui luttent,
les immigrés(es) et exclut les pauvres du droit de. vivre
comme des êtres libres et dignes. Nous ne pouvons oublier
que dans ce contexte, trois travailleurs meurent chaque jour pour
engraisser les comptes bancaires des patrons. Sans entrer dans
le débat sur l'utilité ou non du travail salarié,
il y a des chiffres qui ne peuvent laisser personne insensible
; comme on ne peut l'être face à l'épouvantable
campagne contre les immigrés(es) orchestrée par
les média (voir les événements d'El Ejido
en Andalousie) ; comme on ne peut l'être face à la
criminalisation de quelque type de dissidence. C'est triste de
voir que rien n'a changé, nous avons lutté avec
les moyens à notre disposition pour éviter tout
ceci, mais les choses continuent comme avant. Pareil qu'avant,
pour les anarchistes, pour les rebelles, pour les squatters, pour
tous les exclus pour ceux qui luttent contre l'arrogante réalité
capitaliste qui voudrait tout diriger.
La prison n'est pas seulement la conséquence d'un système
injuste mais surtout, un des piliers sur lequel repose l'Etat.
A petite échelle, c'est la représentation la plus
cruelle de la société, une société
que l'Etat a emprisonnée pour la contrôler. On respire
le carcéral à tous les niveaux, dans les usines,
dans les écoles, dans les rues, même dans nos propre
pensées. C'est pour cela que la lutte contre l'Institution
Pénitentiaire est une lutte qui concerne tout le monde
et est un point de départ d'une activité permanente
contre le système dans sa totalité. Ceci est l'objectif
commun que nous avons, étant donné qu'être
détenu(e) veut dire, ne pas être adapté aux
règles du " jeu ", qu'une fausse démocratie
nous impose. Croire à la révolution, est peut-être
passé de mode, n'empêche que je continue à
avancer dans ce sens, dans le présent, ici et maintenant.
par notre capacité à répondre au pouvoir.
Il est difficile d'expliquer tout ce que je pense, ce serait trop
long et je n'en suis peut-être pas capable. Pour pas devenir
trop pesant, j'en viens à l'important. Nous avons proposé
une " grève de l'air " (refus de promenade) d'une
semaine dans toutes les prisons du 1er juillet au 7 juillet 2OOO,
quelque chose de similaire au débrayage que nous avons
fait en mars de cette année. De toute part des compagnes(ons)
préparent la mobilisation pour nous appuyer.. Les compagnes(ons)
de la CNA de Madrid ont proposé une grande manifestation
et un camping. L'idée est bonne. Le problème comme
toujours, sera de trouver la juste coordination afin qu'aucun
groupe / collectif ne reste sur la touche et puisse participer
activement à l'auto-organisation et à l'action.
(...) Quand de la prison nous nécessitons l'aide des groupes
et compagnes(ons) de partout, cela ne veut dire en aucun cas que
nous leur demandons d'oublier leur propre dynamique. Une manifestation
n'a de sens que par la répercussion sociale qu'elle peut
avoir, donc par son nombre de participants.
Il est à signaler que l'institution Pénitentiaire
a commencé une campagne de démantèlement
silencieuse et progressive du régime FIES, faisant sortir
quelques compagnes(ons) du " bunker ". Tout ceci ne
nous fait pas oublier que les tortures ne sont pas finies et que
des compagnes(ons) enfermées(és) continuent à
mourir. Comme vous l'avez si bien dit cher(e)s compagnes(ons)
l'objectif commun est l'amnistie pour tous les détenus(es)
et la destruction de toutes les prisons. Rien d'autre à
ajouter, je vous laisse avec une très forte embrassade
rebelle et anarchiste.
Claudio Lavazza à Picassent.
[Extrait de la brochure #2 publiée par Tout le monde dehors
!, avril 2001]