De
Picassent (1)
Ici nous sommes toujours barricadés, depuis le 15 décembre. A lextérieur
naissent des débats et coordinations, soit dans le milieu militant, soit
au sein de collectifs pro-détenus qui parlent, écrivent, font des
réunions pour discuter des moyens de faire avancer la proposition de lutte
efficacement. Nous, de lintérieur, continuons à écrire
à dautres détenus pour quils sunissent à
la lutte et grossissent nos rangs. Notre travail de fourmi pour convaincre le
plus de gens possibles consiste surtout à envoyer des lettres personnelles
et des communiqués qui ont été publiés par la revue
Betu, par Salaketa et Vis à Vis, une revue qui est reçue par tous
les détenus enfermés sur le territoire espagnol. Nos messages sont
adressés principalement aux détenus F.I.E.S. et à ceux classés
premier degré , qui ont les conditions les plus dures ; actuellement,
nous attendons les réponses qui commencent à arriver nombreuses.
La chose la plus intéressante, cest que de nombreux collectifs extérieurs
sont disposés à nous appuyer avec des initiatives du genre se barricader
dans des lieux stratégiques à loccasion dune grève
de la faim de 4 jours (4 comme les murs qui nous enferment) que nous commencerons
dès que nous nous serons mis daccord sur une date.
Le temps est venu de lutter, car si nous ne faisons rien pour quils respectent
au moins leurs lois maudites, ils continueront à décharger sur nous
toutes leurs frustrations.
Cette fois-ci, nous essaierons davancer dans notre lutte aux côtés
de groupes pro-détenus et dindividualités anarchistes. Quelques
camarades ont publié récemment un dossier F.I.E.S. et un autre plus
complet est en préparation.
Limportance du débat est de mettre en évidence que la prison,
la société et la répression marchent ensemble.
Il va de soi que dans ce débat se mêlent les opinions et les analyses
politiques de la partie réformiste proche des organisations humanitaires
qui pensent que la prison est mauvaise mais nécessaire ; et les nôtres,
car étant anarchistes, nous ne pensons quà la dynamiter.
En réalité, la prison reste un monde inconnu et nous avons besoin
de laide et de lintérêt de tous pour que ça change.
Lessentiel est de ne pas répéter les erreurs du passé,
en évitant de laisser ceux qui ne pensent pas comme nous prendre les décisions.
Cest notre lutte, et que ceux qui pensent y réaliser un profit politique
sabstiennent ; nous ne voulons pas de double jeu, ni que les luttes des
détenus soient utilisés pour dobscurs intérêts.
Pour tout cela, nous demandons aux compagnons qui veulent soutenir ces luttes
de casser la monotonie et le rythme de vie dangereux que le système pénitentiaire
impose avec ses règles et ses codes, avec ses cachets et ses traitements
psychiatriques, son éthique et ses lois, afin de créer un mal-être
généralisé au sein du système et chez ceux qui le
font marcher, pour quils commencent à respecter leurs propres lois.
Ce sont les grandes injustices qui créent le mal-être, par exemple
le non-respect des dispositions des tribunaux de surveillance et de la dignité
des détenus, les tabassages continuels, la torture envers des personnes
menottées, qui ne cesse même pas en cas de perte de connaissance,
la constatation que les dénonciations de ces mauvais traitements na
jamais de suite, voir mourir pas mal de gens de maladies graves.
Donc, tant quil y aura ces mauvais traitements, que le mal-être sétende
à tous, même aux geôliers.
Claudio Lavazza
(1) Nom de la prison où est détenu l'auteur
[Extrait de la brochure #1 de Tout le monde dehors!, juin 2000, p.14]