Quelques considérations sur les C.O.R. et l’enquête pisaine

Tout d’abord, avant de commencer à écrire une critique des C.O.R. [Cellules d’Offensive Révolutionnaire], je tiens beaucoup à faire comprendre à ceux qui liront ce texte que l’exigence d’écrire ces quelques lignes vient du fait que le document en question (1), au moins en ce qui me concerne, ait été envoyé par les C.O.R. eux-mêmes afin de faire connaître leurs idées à tous/toutes les compagnonNEs qui fréquentent le local de via del cuore à Pise et donc, inévitablement, pour être discuté et critiqué.
Comme il est arrivé en fin de semaine (jours pendant lesquels le local est fermé), et pratiquement deux jours à peine avant qu’il soit trouvé dans la maison que je partageais avec d’autres compagnons à Agnano (Pise) et qu’il conduise quatre d’entre nous en prison pour “ flagrant délit ”, il n’y a pas eu moyen de discuter et de critiquer ce document avec tous les compagnons.
A présent, ayant malheureusement eu la possibilité de le lire, je ressens l’exigence d’en parler et d’en critiquer le contenu, mais sans jamais penser, même de loin, que la cause de notre arrestation soient les C.O.R.
J’ai bien à l’esprit ceux qui sont la cause de tout cela, et qui sont mes ennemis, c’est-à-dire entre autres toujours les mêmes : flics, magistrats et journalistes.
Pour avancer dans l’ordre avec ce document, commençons par le fait que ce groupe se définisse “ une organisation de prolétaires communistes, anarchistes et anti-impérialistes ”.
A partir des différentes revendications parues dans la presse locale, suite à diverses actions, et jusqu’au jour de notre arrestation, je n’aurai jamais imaginé que certains anarchistes fassent aussi partie d’un tel groupe, parce que je pense notamment que ce texte n’a rien d’anarchiste. On peut tranquillement comprendre tout cela à partir des thèmes développés dans la document lui-même : lutte de classe, précarisation du travail, travailleurs en intérim et lutte armée pour le communisme qui, c’est toujours important à souligner, n’est pas le même “ communisme ” auquel se réfèrent les anarchistes, mais celui des Marx, Lénine et consorts.
Ce document est signé par la Cellule toscane et la Cellule romaine “ Mario Galesi ”.
Je ne veux pas m’attarder maintenant sur la figure de Galesi, mais le groupe auquel il appartenait n’a rien à voir avec les anarchistes.
En tant que brigadiste, Mario Galesi a toujours cru, comme du reste tous les membres des Brigades Rouges, en des choses du type “ dictature du prolétariat ” et “ tribunaux du peuple ”. Un groupe d’individus ou un collectif qui pense à donner à un local, une bibliothèque, un groupe de travail ou qui sait quoi le nom d’une personne qui n’est plus en vie, partage avec cette personne un parcours entier de vie et de lutte.
Les anarchistes étant contre toute forme d’autorité, je me pose une question : pourquoi certains anarchistes font aussi partie d’un groupe qui donne le nom d’une de ses cellules à un brigadiste ?
Mais continuons plus avant.
Dans ce même document, les C.O.R. disent être nés parce qu’ils ont senti l’exigence de se former en une “ organisation politico-militaire ”.
Je ne veux pas m’attacher à un terme… mais il y en a trois ici… et aucun ne me laisse imaginer quelque chose qui soit lié à l’anarchisme.
Encore une fois, ceux qui sont opposé à l’ “ unité d’action ” sont définis comme des “ sectaires ” et “ une cause de faiblesse du front révolutionnaire face au patronat et à la flicaille ”.
Mais comment font certains anarchistes à écrire de telles choses ?
Je peux comprendre que vous soyez prompts à une unité de ce genre, mais pourquoi ne vous occupez-vous pas de vos affaires et ne respectez-vous pas aussi les idées des autres anarchistes ? Avez-vous fait une unité ou êtes vous en train de changer, vu que certains termes nous ont toujours été jetés à la figure par les communistes ?
Arrivé à ce point, je pense qu’il vaut mieux accepter une secte qu’une unité d’action comme la vôtre dans laquelle ou perd sa dignité.
Je ne veux pas ressortir l’argument qui avait déjà provoqué quelques frictions entre compagnons (y compris l’auteur de ces lignes) suite à un autre document en faveur de l’ “ unité d’action ” signé par deux compagnons détenus en Sardaigne.
La différence entre les deux communiqués est que le texte des compagnons sardes ne péchait pas par arrogance, et évitait certains termes. Mais la plus belle chose est qu’aucun des deux n’y croyait, faisant abstraction de savoir si de l’extérieur on y comprenait quelque chose ou pas.
Il nous faudrait écrire un livre entier pour expliquer et bien approfondir pourquoi une “ unité ” du genre serait dommageable pour les anarchistes, comme du reste ça vaudrait la peine d’écrire une encyclopédie pour la motiver. J’éviterai donc de réécrire une seule page afin d’argumenter mes différents points de vue sur ce thème, et je n’écrirai certainement jamais un livre pour le faire… il y en a déjà assez et mieux écrits si quelqu’un souhaite en savoir plus à propos des vieilles “ unités d’actions ”.
J’aurai de quoi redire sur chaque ligne de ce document, mais en ce qui concerne mon point de vue sur les C.O.R., je pense ce texte peut suffire.
En ce qui concerne l’absurdité de l’enquête, il y a peu à dire, et si elle a promis tant de merveilles au début, vu que les C.O.R. n’avaient jamais fait sortir de document public avant celui-ci, il a suffit de peu pour comprendre que ce qui est arrivé par la suite dans toute l’Italie n’était rien d’autre qu’un dessein répressif contre les anarchistes.
Pisanu, le ministre de l’Intérieur, tenait à chaque occasion à pointer la forte “ soudure ” entre les BR et les anarchistes, et citait les C.O.R. comme exemple de groupe des plus dangereux, étant les vrais héritiers des vieilles BR.
Avec tout le respect pour la lutte des C.O.R., mais ne partageant ni leurs idées ni celles des BR, je pense que brûler quatre autos n’est pas comparable aux homicides de ministres, enlèvements de juges, braquages et attaques explosives.
Les enquêteurs pisains, à ce moment là, se sentaient mis en cause et, malgré toute une année d’enquête dont il n’était rien ressorti, ont saisi la balle au bond pour réprimer l’unique milieu de Pise qui n’acceptait pas de compromis avec les institutions. En deux mots, ils cherchaient de trouver un moyen pour faire fermer le local de via del cuore, où en plus de celui de “ Silvestre ” se trouve aussi le siège des Incontrollados et d’autres compagnonNEs qui comme moi ne faisaient partie ni de l’un ni de l’autre groupe, mais qui tous ensemble cherchaient à faire avancer le local dans son ensemble.
Mais heureusement, même si les inquisiteurs et les journalistes ont tout fait cet été pour couvrir de boue le local de via del cuore, il est toujours là même s’il est réduit à cause des interdictions de séjour à Pise et dans le département qu’ils ont substitué, pour moi, Leo et Betta, à la mise en résidence surveillée.
Le fait qu’il y ait eu une requalification du délit au bout de six mois n’est que l’ultime branche à laquelle pouvait s’agripper le procureur Di Bugno avant de couler avec le montage qu’il a cherché de tenir à bout de bras bien qu’il fasse eau de toute part.
Bien que conscient qu’il perdrait définitivement la direction de l’enquête avec ce nouveau délit (270bis, association subversive), Di Bugno a décidé de franchir ce pas afin de passer à l’histoire comme le héros qui a “ décapité les C.O.R. ”. A présent, en plus d’enquêter sur les hooligans du club de football de Pise, il pourrait au moins se voir attribuer une tâche légèrement plus importante, vu la recommandation qu’il recevra en retour de service par celui qui a finalement réussi à obtenir la direction de l’enquête : le procureur chef de l’Anti-mafia, Pier Luigi Vigna.
On ne sait pas encore ce que découvriront par la suite Vigna et son sicaire Fleury, qui remplace Di Bugno. Ils y mettront certainement du leur, vu que ce sont de grands maîtres en montages judiciaires.

Gioacchino Somma

Ndt :
(1) Les C.OR. ont envoyé par la poste un communiqué à plusieurs journaux. Au cours d’une perquisition, la police l’a retrouvé chez des compagnons de Pise (qui s’occupent d’un journal), ce qui leur a valu d’abord quelques jours de prison puis une mise en résidence surveillée de longs mois (7 juin-23 octobre 2004). L’auteur, Gioacchino, est l’un d’eux, il est toujours inculpé avec neuf autres personnes d’“ association subversive ” dans l’enquête sur les COR.

[Affinità n°5, Livourne, janvier 2005, pp.3-4]