Communiqué de Mike et Juan
Nous n’avons pas transgressé vos lois par hasard mais par choix, un choix qui reflète notre cœur et la conscience que nous avons tatoué dessus. Répondre spontanément “ non ” à la demande de montrer nos papiers est pour nous un moyen de reconfirmer notre refus de toute autorité, et de rappeler toutes ces personnes qui n’ont pas, contrairement à nous, la possibilité de choisir, mais qui doivent fuir sans cesse pour échapper à l’emprisonnement.
Nous voulons rappeler :
- Patrick, contraint de falsifier ses propres papiers pour pouvoir rester près de sa mère
- Ali, contraint de quitter l’Italie ces jours-ci suite à un décret d’expulsion
- Ali, qui a subi l’infâme chantage de devoir choisir entre quitter l’Italie ou rester en prison
- le jeune homme qui s’est jeté dans les eaux glacées du fleuve Adige en janvier pour fuir un contrôle des carabiniers de Trento, et dont on n’a plus rien su
- ceux qui, fuyant un contrôle, meurent en tombant d’un train ou d’un balcon comme c’est arrivé à Gênes et à Turin
- toutes les personnes enfermées, affamées et torturées dans les centres de rétention en Italie et dans tous les lagers du monde
- toutes les personnes jugées dans ces tribunaux parce qu’ils n’ont pas un morceau de papier, qui pour nous ne vaut certainement pas une vie
- nous voulons enfin rappeler tous les morts sans nom pour lesquels nous accusons le racisme et l’indifférence de cette société.
Nous sommes convaincus qu’un élargissement de cette pratique (de refuser de montrer ses papiers) peut aider ceux qui n’ont pas de papiers, ceux qui sont frappés par un décret d’expulsion ou ceux qui ont reçu une interdiction de séjour dans une ville à se sentir moins seuls. Et pour cela, nous demeurons “ incapables de tout repentir ”* face à vos accusations, vos peines et vos prisons.
Mike et Juan,
prison de Rovereto, 30 juin 2006
* Insuscettibili di ravvedimento (incapables de tout repentir) : formule utilisée par les services de renseignement fascistes pour signifier que les suspects étaient définitivement “ irrécupérables ” pour eux.