Le 8 novembre 2003, des anarchistes de Rovereto (une petite ville du nord de l'Italie dans la province du Trentino) ont réoccupé pour la troisième fois un hangar vide, le Bocciodromo occupato. Il s'en sont fait expulser le 14 novembre, les 9 personnes personnes présentes envoyées en prison (les 7 hommes à Bolzano, province de l'Alto Adige, les deux femmes à Vérone). Le procureur a requis jusqu'à trois ans de prison pour "vol aggravé d'énergie éelectrique" et "occupation illégale" le 17 novembre. Deux ont été acquittés, 6 condamnés à 6 mois avec sursis et un à 8 mois (parce que "récidiviste"). Miroslav Bogunovic est resté en prison une semaine supplèmentaire parce que les flics l'accusent en plus de "vol aggravé" parce qu'il aurait, la veille de l'expulsion, dérobé la disquette d'un photographe local (Fulvio Fiorini) venu photographier les lieux. Il est en attente de la fixation d'une date de procès et interdit de séjour à Rovereto.
Le nouveau préfet du Trentino, Francesco Colucci (célèbre pour sa gestion du G8 à Genes où il était en fonction) fait son bonhomme de chemin : outre l'expulsion du lieu, la condamnation des 7 personnes puis la détention prolongée d'un compagnon à présent en attente de procès, 16 personnes venues faire un coucou bruyant à Bolzano aux emprisonnés ont recu une interdiction de séjour dans cette ville de deux ans, un compagnon espagnol condamné pour cette occupation a recu une interdiction de séjour à vie de toute l'Italie, et au moins quatre interdictions de séjour et transit à Rovereto (où se trouve la gare, mais aussi les centres administratifs et surtout leurs affinités) pour trois ans ont été notifiées aux anarchistes du coin qui vivent dans les petits villages des alentours et n'ont pas leur résidence administrative dans cette ville.
On trouvera ci-dessous une traduction de l'italien des différents textes des compagnons anarchistes de Rovereto et Trento.


Temps de guerre

Les conditions actuelles de vie et de travail ne peuvent etre imposées que par un usage toujours plus massif de la terreur. Terreur de rester au chomage, terreur de ne pas pouvoir payer des loyers toujours plus exhorbitants, terreur de la police, terreur de la prison. Parce qu'au fond, dernière carte et ultime déesse, la répression est toujours ce qui garantit les rapports sociaux actuels. Meme lorsqu'elle s'abat sur des individus bien précis, c'est à l'ensemble de la population qu'elle adresse son message. Ceux qui pensent n'etre pas concernés se trompent à son propos : face à l'indifférence, les patrons ont des prétentions toujours plus élevées (salaires encore plus bas, contrats encore plus précaires, controle encore plus diffus, etc.).

Un exemple en est ce qui vient d'arriver à Rovereto. Non contents d'avoir expulsé un espace occupé, d'avoir arreté 9 personnes et d'en avoir condamné sept à 6 et 8 mois de prison ; non contents de garder en prison un anarchiste accusé d'avoir éloigné un photographe de presse d'un espace autogéré ; non contents d'avoir ordonné l'expulsion à vie de toute l'Italie pour un compagnon espagnol qui vit en ville depuis un an ; non contents d'avoir donné une interdiction de séjour de deux ans à Bolzano à 16 personnes qui ont fait un salut aux prisonniers de cette ville - l'autorité et les forces de l'ordre prennent à présent des mesures typiques du Ventennio (1). Quatre anarchistes, tous résidents de communes limitrophes (comme Isera et Villa Lagarina) se sont vus notifier une interdiction de séjour de trois années à Rovereto. Nous n'expliquerons pas ce que veut dire concrètement une telle interdiction de séjour et de transit (les attaches personnelles, travail, corvées bureaucratiques, "vie sociale", prendre le train, etc.). La police sait parfaitement que de telles mesures d' "ordre public" tombent face à des recours administratifs. Mais ils coutent des milliers d'euros et prennent des années. En fait, ils mettent au ban les indésirables qui ne baissent pas la tete. Dans leur caractère absolument discrétionnaire, ces mesures peuvent frapper quiconque, meme sans délit précis. Ceci nous rappelle que le sort de nombreux immigrés sans papiers enfermés et expulsés à vie sur seule décision policière s'étend à tous les individus dérangeants (pour ce qu'ils disent, les gens qu'ils fréquentent, etc.). Ceci nous rappelle que nous vivons tous dans un état d'exception permanente, que la "guerre de basse intensité au terrorisme" est partout parce que ses Ennemis -de l'Irak aux villages de la vallée d'ici (2)- sont partout : l'ennemi est toute personne qui fait obstacle, d'une facon ou d'une autre, au chemin radieux du capital, des forces armées, des pétroliers en Irak ou des constructeurs d'un incinérateur à Ischia Podetti.

Cette guerre a trouvé en Francesco Colucci, nouveau préfet de Trento, son porte-drapeau et son fonctionnaire. Déjà préfet de Genes au cours du G8, grand responsable des coups de matraque dans les rues, de l'irruption dans l'école Diaz, des tortures à Bolzaneto, de l'assassinat de Carlo Giuliani, il s'est posé ici pour effectuer son sale boulot. La répression contre les compagnons est sa carte de visite. Aujourd'hui c'est nous qu'il frappe, mais demain ce peut etre toute personne qui s'écarte de la propagande médiatique, sur les lieux de travail ou dans les rues. Que chacun, sur son propre mode et avec ses moyens, réagisse à ce nouveau fascisme démocratique. Ne rien dire, c'est etre complice.

Nous ne subirons pas cette déclaration de guerre en baissant la tete. Aucune interdiction de séjour n'expulsera notre rage et notre joie de lutter.

Des anarchistes de Rovereto

 

1. Ventennio : les années 20 et 30 du régime fasciste de Mussolini.
2. …dont le nom est Vallagarina