Déclarations de Juan et Massimo devant le tribunal de Rovereto

Tout d’abord, je veux exprimer ma plus grande solidarité et mon plus grand accord avec Massimo Passamani et avec n’importe quelle personne qui réagit, se défend ou attaque toute forme de pouvoir, dans le cas présent “ monsieur Enrico Pappolla ”, conseiller municipal d’Alleanze Nazionale. En second lieu, je déclare que de l’endroit où je me trouvais le jour des faits, ne n’ai rien pu voir. C’est l’unique chose que je dirai dans ce tribunal et je refuse de répondre à toute autre question qui me sera posée.

Rovereto, 17 mars 2005
Juan Antonio Fernandez Sorroche

 

Avec ma déclaration, je veux préciser rapidement les faits pour lesquels je suis accusé et leur sens. La meilleure façon de ne pas comprendre certains événements est celle de les couper de leur contexte. Ce lundi 7 juillet 2003 ne sort pas de nulle part.

La semaine précédente, notre troisième occupation en moins d’un an -le Boccciodromo situé via Partelli, c’est-à-dire l’ex Collodo- était expulsé après un mois de débats, de luttes, de concerts et de vie collective. Nous avions transformé un bâtiment vide depuis des années (et à l’heure actuelle toujours inutilisé) en un lieu habitable, libéré de l’argent et de la hiérarchie. Une brèche contre la spéculation immobilière, contre des loyers toujours plus exorbitants, une critique pratique de l’isolement social et de la privatisation des espaces. Le samedi, Alleanza Nazionale (AN), Forza Italia et la Gioventù trentino-tyrolaise (1) avaient annoncé un rassemblement devant le Bocciodromo pour en demander l’expulsion aux autorités et exiger plus de répression contre les anarchistes. L’expulsion aura lieu le jeudi, avec un déploiement policier considérable. Non contents de cela, les fascistes d’AN organisent également pour le samedi 5 juillet un rassemblement en ville pour demander une plus grande répression contre les anarchistes en vue du sommet de Riva de septembre (2). Une dizaine de compagnons descend dans la rue pour manifester leur désaccord contre cette ultime initiative. En un instant, une trentaine de fascistes et de néonazis, surtout du Veneto Fronte Skinhead déboule à coups de bâtons, de saluts romains et de “ Boia chi molla ” (3). Ce sont les chiens de garde appelés par les élus “ postfascistes ” d’AN, les petits frappes à la tête rasée venues en soutien à leur chef en costard. Certains compagnons finissent par terre, les autres résistent ce qu’ils peuvent, puis ils partent tous en manifestation spontanée. Pappolla fait à son tour une apparition sur la fin.
Le lundi suivant, alors que nous sommes en train de distribuer des tracts en ville et d’expliquer au mégaphone ce qui s’est passé le samedi, nous voyons passer Pappolla. Seul, je m’en approche et je l’apostrophe à propos des bouledogues néonazis que son parti a fait venir dans la rue. Celui-ci se retourne, bredouille qu’il n’a rien à voir avec ça (quand on parle d’avoir le courage de ses propres idées…) et lève, maladroitement, en premier les mains. Il se prend alors un poing dans la gueule. Aucun autre compagnon ne le touche, il ne tombe pas à terre et n’est pas tabassé. La distribution de tracts continue. A la différence du conseiller fasciste, j’assume mes responsabilités. Je lui ai donné un coup de poing et je le revendique. Ce que je confirme ici aujourd’hui, nous l’avons -mes compagnons et moi- déjà dit et écrit depuis le 8 juillet 2003. Je l’ai moi-même affirmé plusieurs fois dans la rue et répété dans des textes publics.
Je tien à préciser de plus que Juan Sorroche n’a rien à voir dans cette histoire. Il ne s’est jamais approché de Pappolla, et ne l’a encore moins frappé. Toute tentative de l’impliquer relève d’une falsification odieuse. Le fait ne concerne que moi, exclusivement.

Pour finir, je voudrais souligner, encore une fois, le sens de mon geste. J’étais déjà un anarchiste actif à dix-sept ans. Plus ou moins à cette époque, Pappolla était secrétaire du Front de la jeunesse, l’organisation des jeunes du MSI. Mes choix furent antimilitaristes, de révolte contre toute domination et de solidarité avec les opprimés. Les siens, racistes, ceux de justification de la guerre, de répression contre les plus pauvres et les marginaux, d’attaque contre toute liberté de dissenssus réel. Je ne rappellerai pas ici tout ce que lui et son parti ont fait, parce que ce serait trop long. Le monde que ces gens construisent jour après jour -c’est cela que je veux répéter- n’est pas une opinion générique, mais bien une cage concrète, matérielle et visible pour des millions de damnés de la terre. Ce coup de poing n’a été qu’un petit geste d’amour pour mes compagnons descendus dans la rue ce 5 mars, un acte de solidarité avec toutes les femmes et les hommes qui se battent pour un monde sans frontière, sans papiers, sans Etats. Une forme de respect, enfin, pour tous les partisans tombés pour éliminer le fascisme de l’histoire.
Le lynchage médiatique honteux qui a transformé un coup de poing en un tabassage de sept personnes contre une et le chœur politique de condamnation à notre égard ne changent pas la réalité des faits. Aucun verdict de tribunal ne changera jamais mes convictions.

Rovereto, 17 mars 2005
Massimo Passamani

 

Ndt :
1Groupes de néo-nazis de la province du Trentino et de l’Alto Adige.
2Du 4 au 6 septembre 2003 se tenait à Riva del Garda un sommet des ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne.
3Slogan mussolinien qui signifie que celui qui recule est un traitre/lâche.

[anarcotico.net, 19 mars 2005]