Audience du 23 novembre 2006 à Lecce

Cette audience est celle qui avait été fixée au mois de septembre 2006 contre les compagnons de Lecce pour les faits liés à l’opération “Nottetempo”. Rappelons que x compagnons ont effectués de longs mois de prison préventive et que x, y, z sont toujours assignés à résidence. Au rythme d’une audience par mois, le procès peut encore durer longtemps. Cette fois, comme par hasard, le procureur avait oublié de convoquer les témoins et l’audience qui a commencé à 15h30 s’est terminée rapidemment. La prochaine n’a pas même été fixée en décembre, mais en janvier. Les compagnons ont cependant eu le temps de lire une déclaration collective, qui répond au témoignage de don Cesare Lodeserto (le prêtre ex-directeur du centre de rétention de Regina Pacis) de la seconde audience de septembre. En voici la transcription :

Nous avons décidé de rendre publique cette brève déclaration, pour faire la lumière sur certaines questions qui nous concernent et nous opposer aux affirmations mensongères prononcées dans cette même salle par le prêtre Cesare Lodeserto lors de la dernière audience.

Notre premier objectif est de rendre aux mots leur véritable sens, qui portent en eux des contenus précis, alors que lorsque l’intérêt est de masquer la réalité, le premier pas est de la nommer d’une autre façon, de lui faire violence jusqu’à lui faire perdre tout lien avec le vrai.

C’est un artifice à la mode en ces temps où l’usage courant de la Novlangue permet que les guerres soient appelées “mission de paix” ou “opérations humanitaires”, et que les lagers soient nommés “centres d’accueil”.

De la même façon, don Cesare définit comme des “hôtes” ceux qui étaient internés dans le centre de rétention Regina Pacis, et parle d’un système de “surveillance passive”. Il peut paraître étrange qu’il y ait besoin d’un système de vidéo-surveillance pour des “hôtes”, et qu’il y ait -nous reprenons ses propres mots- “des forces de police qui doivent intervenir à l’intérieur” et “des incarcérés à l’intérieur de la structure”, ou que “les personnes dedans y étaient classées selon les dispositions que prévoit une structure de ce type”. Classées, comme on le fait avec des marchandises. Les détenus aussi sont immatriculés. Et les déportés dans les lagers nazis l’étaient aussi.

Passant à autre chose, aussi bien don Cesare que les enquêteurs ont affirmé que les révoltes à l’intérieur du centre Regina Pacis se produisaient lorsque nous autres anarchistes venions manifester devant ces murs lugubres. Avoir ou pas une telle capacité ne nous intéresse pas ; en tant qu’anarchistes, nous tentons en revanche de nous doter de tous les instruments utiles afin de pouvoir intervenir contre une réalité que nous jugeons intolérable.

La question est bien différente et, si on veut, banale. En effet, la révolte surgit spontanément là où la dignité est piétinée et la vie offensée ; cette simple vérité, c’est l’histoire des institutions totalitaires en général qui nous la racontent, et celle de Regina Pacis en particulier, comme le démontre amplement une liste infinie d’épisodes qui l’ont touchée. C’est évidemment l’auto-détermination des individus et non pas les capacités des anarchistes qui sont à l’origine de chaque révolte collective et individuelle.

Enfin, il nous faut aussi clarifier les choses à propos des affirmations de don Cesare Lodeserto concernant l’épisode du 10 août 2004, qui a obligé un roumain de 30 ans, Vasile Costantin, à rester paralysé jusqu’à la fin de ses jours. Sans vouloir discuter s’il ce qu’il a affirmé est vrai ou pas, c’est-à-dire avoir été tabassé alors qu’il gisait à terre suite à une chute du mur d’enceinte (nous ne connaissons que trop bien ces aimables pratiques des forces de l’ordre), nous tenons à préciser que jamais, ô grand jamais, don Cesare ou toute autre personne liée à Regina Pacis ne s’est “occupé de lui à fond” comme il a été déclaré. Ils l’ont au contraire abandonné à lui-même, communiquant à sa femme qu’il était en fin de vie et ne lui fournisdsant plus aucune autre information. Vasile, dit Vali, a été accompagné à l’hôpital Vito Fazzi de Lecce par quelques compagnons qui l’ont entouré de l’affection et de l’amour qu’exprime un sens de la solidarité authentique, et non pas de de comptabilité économique ou d’intérêts personnels. Et c’est encore le suivi des compagnons, et d’autres individus sensibles à la situation, qui a permis le rétablissement de Vali dans une structure spécialisée dans la reconstruction de la moëlle à Montecatone di Imola, où il est resté plusieurs mois. Ces mêmes personnes le soutiennent encore aujourd’hui où il a dû rentrer en Roumanie.

Ceci, que ce soit clair, nous ne le disons pas pour avoir l’air d’être charitables, des humanitaires ou pour nous décerner des décorations que nous haïssons, mais pour rétablir la vérité historique et pour déchirer le tissu de mensonges avec lequel aime se drapper don Cesare. Lequel, par ailleurs, ne s’est rendu à l’hôpital auprès de Vali qu’après avoir appris que d’autres étaient en train de lui exprimer leur solidarité, cherchant avant tout à y obtenir des informations pour savoir qui étaient ces inconnus solidaires.

Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz, a écrit dans ses mémoires alors qu’il était incarcéré en Pologne avant d’être jugé : “On ne reste jamais sourd aux souffrances humaines : je les ai toujours vues clairement et j’en ai souffert. Mais je devais les fouler au pied parce que je ne pouvais pas me permettre d’être mou”.

Il se vantait aussi de n’avoir jamais tabassé personnellement un déporté.

Don Cesare ne peut pas même en dire autant.

Voilà, c’est tout.

Saverio, Annalisa, Marina, Cristian, Laura, Salvatore

Publié le 26 novembre 2006 sur http://liberisubito.splinder.com