La
police infiltrée par les Black Blocs...
...ou le contraire ?
Ce que les événements de Gênes ont mis en
crise c'est l'absurde croyance aveugle des classes moyennes envers
la démocratie. Ce qui a été remis en question
à Gênes c'est la pratique de la "gauche de la
gauche" ("le peuple de Porto Alegre", la fraction
mouvementiste de la social-démocratie, le Ministère
Européen délégué à la manipulation
et au contrôle des "mouvements sociaux") qui consiste
à utiliser la révolte réelle des "masses"
contre le système capitaliste, pour servir dans la guerre
inter-impérialiste, Socio-Européens contre Libéralo-Américains.
L'affirmation gratuite de l'infiltration des Black Blocs par la
police veut nous masquer les enjeux qui ont été
posés pendant et depuis Gênes. A savoir transférer
le débat, qui porte sur le dilemme gestion citoyenne du
capitalisme (1) ou transformation radicale (révolution
?), sur la question subsidiaire et afférente violence/non-violence.
Casarini (porte parole des Tute Bianche) a déjà
tranché, puisqu'il déclare le 22 juillet : "nous
devons combattre sur deux fronts, contre la répression
policière et contre les violents", évidemment,
pour lui il s'agit de combattre "démocratiquement"
la répression, et d'affronter "la fraction violente"
à coups de manche de pioche
Ce sont les Tute Bianche et le GSF qui ont décidé
de clouer le mouvement dans cette impasse en pratiquant la bonne
vieille méthode stalinienne, la calomnie, affirmant sans
en apporter aucune preuve que les Black Blocs seraient manipulés
par les services secrets.
Ce mensonge a une triple fonction :
- disqualifier comme "extrêmement dangereux",
"sujets à toute les manipulations" (toujours
et partout), tout ceux qui posent de façon radicale et
pratique la question du renversement de l'ordre du monde (de manière
violente ou non-violente) ;
- renforcer la croyance selon laquelle l'action directe auto-organisée
serait inatteignable : cela serait affaire de spécialistes
ou de flics (de sujets mythiques, mais en tout cas pas de "tout
un chacun") ;
- ramener l'ensemble des pratiques, et donc des théories,
dans le cadre du jeu démocratique : les calculs politiciens,
la délégation aux leaders.
Dès le 20 juillet au soir, les "leaders du mouvement"
(Casarini des Tute Bianche et Agnoleto du GSF) déclaraient
qu'ils avaient des preuves irréfutables de la collusion
entre Black Blocs et police, que ces preuves étaient en
lieu sûr. Ils dévoilaient une photo et un film vidéo.
- La photo : sept personnes en civil, agressifs, qui gardent le
portail entrouvert d'une caserne de carabiniers. L'un est armé
d'un bâton, un autre est casqué (casque de moto)
et deux d'entre eux ont le visage masqué par un foulard.
Il s'agit de carabiniers qui sont sortis en civil pour protéger
leur caserne au passage de la manif, d'ailleurs les deux foulards
sont des foulards d'uniforme en dotation chez les carabiniers,
facilement reconnaissables.
- La vidéo : sur une place tout à fait calme, un
type balèse - blue-jean, T-shirt noir, un foulard blanc
(un bout de drap visiblement) sur le bas du visage, un manche
de pioche à la main - discute avec un flic en tenue anti-émeute.
Le premier est un flic en civil, indéniablement. Deux jeunes
en scooter s'arrêtent à leur hauteur et leur adressent
la parole, puis repartent. C'est tout ! (2)
Des appels à témoin sont lancés par tous
les "leaders" du "peuple de Seattle" : il
faut à tout prix des preuves, des témoignages, des
dépôts de plaintes (sic) pour prouver la collusion
Black Blocs/police. Tous les journaux reproduisent cet appel,
les télés s'en font l'écho, des sites internet
sont ouverts à cette fin.
Cette assurance dans le ton et ce martelage médiatique
ont atteint leur but, ça y est la manipulation des "violents"
est considérée comme acquise, presque un "fait
historique".
Plus le mensonge est gros et plus il se pose comme une évidence
qui n'aurait pas besoin d'être étayée par
des faits. Impossible de parler de Gênes avec qui que ce
soit sans que l'on entende : c'est prouvé, les Black Blocs
étaient infiltrés. Prouvé par qui, par quoi
? On ne sait pas.Et chacun de raconter son anecdote. Pour ma part
j'en ai entendu des salées, mais absolument jamais une
seule de sérieuse. "J'ai bien vu que les premières
personnes qui ont chargé les flics sur la place Kennedy
n'étaient pas masquées, c'est bien la preuve que
c'étaient des flics", j'imagine que s'ils avaient
été masqués cela aurait également
constitué une preuve.
Je suis allé éplucher les "témoignages"
recueillis sur internet et j'ai remarqué que tous les récits
faits à la première personne, dès qu'ils
abordent la question des "violents", deviennent indirects
(on m'a dit que
des gens m'ont dit qu'ils avaient vu que
je sais de source sure que
etc.) et généraux
(on ne précise jamais le lieu ni le moment). Beaucoup,
par ignorance, ne décrivent que l'activité classique
des flics en civil : infiltrer les cortèges pour renseigner
et éventuellement procéder à des interpellations
(j'ai vu des flics en civils traverser le rang de flics en uniforme,
j'ai vu des flics en civil portant des bâtons, etc.). Quand
ce n'est pas un mélange des deux : "on m'a dit
que quelqu'un avait vu des civils charger des bâtons dans
un fourgon de flic".
On trouve surtout des délires paranoïaques (3) :
- l'un a vu des casseurs vêtus de noir parler avec un type
habillé avec des vêtements clairs ;
- plusieurs témoignages font mention de gens habillés
en noir qui se cachent pour changer de vêtements et se fondre
dans la foule ;
- beaucoup s'étonnent que les "casseurs armés
jusqu'aux dents" aient pu traverser les frontières
avec "tout leur matériel"
(oui, toutes
ces pierres qu'ils ont ramenées d'Angleterre et ces bâtons
qu'ils ont taillés dans la Forêt Noire !) ;
- plus nombreux encore sont ceux qui, ayant tellement intériorisé
leur impuissance, trouvent probant que "les violents arrivent
à s'en tirer" alors que les pacifistes (qui refusent
de s'enfuir devant les charges de police) se font matraquer ;
- un perspicace a reconnu des "nazi-skin" à leur
"crâne rasé".
On trouve quelques faits troublants, mais assez délirants
et très peu étayés (en fait des mensonges
grossiers), quand on dit des grosses conneries on s'arrange pour
le faire dans le style indirect (on m'a dit que) :
- "des amis belges m'ont dit avoir vu un groupe de Black
Bloc avec des transmetteurs et des microphones installés
dans leur casque de moto, ils se déplaçaient de
manière coordonnée après avoir reçu
des ordres via les transmetteurs
" ;
- "j'ai échangé quelques mots avec un gars
du Bici-G8 [
] il me dit avoir vu des policiers [en uniforme]
casser des cabines téléphoniques
"
;
- "des témoins directs ont déclaré avoir
vu des Black Blocs parler tranquillement avec la police
".
Des témoignages criants de vérité (mais pas
d'intelligence) :
- "pour repartir de Gênes, les trains étaient
complètement désorganisés et volontairement
désorganisés pour augmenter la tension [
]
il y a eu de l'obstructionnisme de la part des cheminots, eux
aussi alignés sur la stratégie de la terreur
"
;
- [dans le cortège pacifiste, aux abords de la zone rouge]
"un jeune homme commence à insulter les policiers
en allemand. [
] Je le regarde dans les yeux et je lui demande
pourquoi il fait ça. Aucune réponse. Il continue
imperturbable. [
] Il s'éloigne [
] Je le suis,
lui tape sur l'épaule et lui demande comment il s'appelle.
Il ne me répond pas [
] me dit de ne pas le toucher.
[
] Il s'en va. Toute relation est impossible, il est clair
qu'il récite un rôle. [
le lendemain] B. me
dit "regarde, ce sont des types du Black Bloc qui descendent
de cette camionnette". [
] Parmi eux il y a le type
[que j'ai vu la veille], maintenant c'est clair : ce n'est pas
un manifestant."
Ce qui me stupéfait c'est que ce vieux tour de passe-passe
stalinien fonctionne aussi bien, y compris dans "nos"
rangs. De nombreux camarades qui ont participé aux Black
Blocs à Gênes me disent en gros : "il n'y
a pas de fumée sans feu, si autant de gens l'affirment,
cela est certainement vrai. Qu'il y ait eu une poignée
de provocateurs ne change pas grand chose à l'affaire vu
que ce sont des milliers de personnes qui ont participé
aux affrontements".
En dehors de toute considération sur le rôle de la
"vérité", ce point de vue me semble dangereux
car il ne prend pas en compte le rôle stratégique
que cette calomnie occupe. Ce mensonge va jouer un rôle
prépondérant dans les débats qui vont suivre
la "fracture de Gênes", un rôle de disqualification
à priori de toute prise de position radicale. De plus ce
mensonge joue un rôle également (et paradoxalement)
dans le dispositif répressif qui va se mettre en place
contre les "violents". Paradoxalement parce que, suivant
une étrange logique, si les Black Blocs sont de mèche
avec les flics il n'y a aucune raison de leur affirmer une quelconque
solidarité. Sans remarquer la contradiction : si les Black
Blocs étaient de mèche avec les flics, ils ne subiraient
pas la répression.
Déjà cette logique a servi à mettre en place
des instruments de délations, des sites internet ("Notre
recueil de témoignages et de plaintes sur les violences
visent autant les forces de l'Ordre que les groupes d'extrémistes
violents. Si nous pouvions aider à mettre en prison ceux
qui ont dévasté des rues entières de Gênes
nous en serions très heureux : les violents sont nos ennemis"
- Peacelink).
Certains qui, jusqu'à présent, pouvaient passer
pour "être du mouvement", ont d'ores et déjà
choisi de se positionner contre les "forces du désordre",
de rajouter à la confusion en alimentant la calomnie. Par
exemple Serge Q. qui aurait "remarqué un trio de
types masqués, sportifs à la petite quarantaine
qui s'agitaient beaucoup et que les autres BB, manifestement évitaient."(4)
Ce ne serait que bouffon si notre ex-camarade n'était pas
conscient que ce sont ces genres de saloperies qui ont permis
de former les pelotons d'exécution tout au long de l'histoire
du stalinisme.
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Je joins ici quelques éléments afin de comprendre
quels sont les enjeux et la situation en Italie.
1- Les Tute Bianche
Les Tute Bianche ne sont pas des "autonomes", à
moins de considérer que Serge July est toujours maoïste
et Jospin trotskiste. Ce ne sont que (sous diverses appellations)
des ex de l'Autonomia Operaia, héritiers de la dissociation,
ayant virés au gauchisme (type trotskard) dans les années
80 et qui, depuis dix ans, pratiquent l'entrisme chez les Verts
et le PCI (refondation). Une sorte de Gauche Socialiste, un mélange
entre SOS racisme, Motivé et Droit Devant, pratiquant tant
un simulacre d'action directe médiatique que l'organisation
de méga-concert frites-merguez.
Les Tute Bianche constituent en premier lieu une très grosse
entreprise commerciale, avec les plus grosses salles de concert
et les plus grands débits de boissons du pays (accompagné
bien sûr du monopole des substances illicites qui se vendent
dans leurs "espaces libérés", libérés
de tout sauf du rapport marchand). Un "Centre Social"
Tute Bianche est un hybride entre le Zénith (pour la taille
et le SO) et un bar branché de la rue Oberkampf (pour les
rapports sociaux qui s'y développent), c' est un lieu auprès
duquel la moindre MJC de banlieue passerait pour un antre de la
subversion. Leur énorme richesse financière s'accompagne
évidemment d'un système de clientèlisme puisqu'elle
représente un nombre considérable d'emplois salariés.
Les Tute Bianche sont une institution (aux deux sens du terme)
elles sont complètement imbriquées dans la gauche
parlementaire, elles possèdent des conseillers municipaux
dans certaines grandes villes et font partie de la majorité
municipale aux côtés de la coalition de l'Olivo (ex-communistes,
démocrates chrétiens de gauche, verts, centre gauche).
Aux élections les Tute Bianche appellent à voter
PC(refondation).
Les tute Bianche, pour tout ce qui précède et aussi
pour leurs pratiques staliniennes du manche de pioche à
l'encontre des radicaux (5) réussissent à faire
l'unanimité du mouvement contre elles. Chose intéressante
puisque la critique de leur crapulerie tend à produire
une radicalisation et une homogénéisation de l'ensemble
du mouvement, dans un espèce de "front du refus".
A tel point qu'au rassemblement de Naples en avril, où
l'on a vu pour la première fois depuis dix ans des assemblées
communes autonomes, anti-impérialistes et anarchistes (insurrectionnalistes
ou non), les Tute Bianche on été exclus de la manif.
Ceci étant posé, les Tute Bianche étaient
en osmose avec le GSF (un autre nom d'ATTAC-international, c'est
à dire de l'Internationale Socialiste) et elles ont formé
un cortège commun avec les jeunesses communistes (refondation)
et la LCR (6). La "stratégie" de tout ce beau
monde était de faire massacrer leurs troupes pour se poser
en victime devant les caméras et ainsi dénoncer
la violence unilatérale de l'Etat ("créer du
consensus" comme dirait le lèche-botte Casarini).
Ceci au seul profit électoraliste de la gauche qui a intérêt
à diaboliser Berlusconi (ponctuellement, car ils peuvent
être copains comme cochon). Leur illusion a été
de penser qu'ils allaient pouvoir rejouer l'affrontement simulé
(et négocié auparavant avec la police, comme ils
avaient l'habitude de le faire avec la gauche (7)), franchir les
cordons de flics par un usage modéré de la force
et que ces derniers réagiraient avec une violence proportionnée,
reconnaissant avec fair-play leur défaite (?).
L' "objectif militaire" étant posé, regardons
maintenant l'objectif politique, le discours. Contrairement à
ce que beaucoup croient en France, le discours des Tute Bianche
n'est en rien différent du discours social-chrétien
que l'on peut trouver dans Le Monde Diplomatique, mélange
de démagogie et de bons sentiments : abandon de la Dette
(on aimerait bien savoir ce que ça va changer pour les
prolétaires de l'hémisphère sud, que leurs
dirigeants s'en mettent encore plus plein les fouilles), taxe
Tobin et citoyennisme à tout crin. Des conneries du genre
"les 8 grands qui dirigent la planète et que l'on
va influencer".
2 - Les Black Blocs à Gênes
Pour ce qui regarde la fraction radicale, les nombreuses discussions
préalables ont mis en lumière deux approches différentes.
D'un côté ceux qui voulaient coller au mouvement
et donc participer à l'attaque de la "zone rouge",
mais avec du matériel et des méthodes adaptées,
de l'autre ceux qui pensaient que cela signifiait rentrer dans
un piège, non seulement militaire mais aussi politique
(le capitalisme est un échafaudage de rapports sociaux
et de dispositifs et non pas 8 chefs d'Etat qu'il faudrait changer).
Les propositions de porter l'attaque sur divers objectifs symbolisant
l'Etat et le Capital furent bien accueillies, en revanche celle
de mettre une raclée aux journalistes a soulevé
des objections.
Tous ont cependant fonctionné solidairement. Le Black Bloc,
constitué principalement par les étrangers, a rejoint
les autonomes et anarchistes des Centre Sociaux au lieu où
ils s'étaient fixé rendez-vous (à midi, place
Nuovi) et où nous attendions les trains du Sud Rebelle.
Les cortèges (1500 des Black Blocs et 2000 des Centres
Sociaux) ont fusionné. Mais le retard des trains a eu raison
de notre patience et après les premières banques
attaquées les charges de flics (vers 12h 30) ont fait que
500 d'entre nous se sont perdus sur le front de mer. Ils ont rejoint
les COBAS (syndicat de base) qui les ont acceptés (malgré
quelques tensions) dans leur cortège, ont attaqué
une caserne, monté des barricades et ont réussi
à rejoindre la zone-est deux heures après. Durant
ce temps, le gros de la troupe, poursuivie par la flicaille et
des nuages de lacrymogènes est parvenue à occuper
une zone d'à peu près 1 km2 autour de la Piazza
Giusti (8) en bloquant un tunnel et en dressant systématiquement
des barricades partout où cela était nécessaire
(9).
Alors que nous étions continuellement rejoint par de nouveaux
groupes de manifestants et des jeunes prolétaires du coin
(des "casseurs"), une épicerie, un tabac, un
magasin d'accessoires de moto et une station service (qui n'a
pas pu être mise en route pour fabriquer des molotovs mais
où nous avons trouvé des ballons, ce qui nous a
permis d'improviser quelques parties de Foot) ont été
pillés. Tous les édifices administratifs ainsi que
les banques ont étés saccagés.Cela faisait
déjà deux heures que nous combattions et courions,
alors nous avons pris quelques répits et pique-niqué
(en oubliant de payer l'addition, il est vrai).De là, un
cortège s'est formé pour partir à l'assaut
de la "zone rouge", et un autre pour attaquer la prison,
de nombreux camarades restaient à l'arrière pour
garder les barricades.
Après avoir mis les carabiniers en déroute, le groupe
d'assaillants de la prison a incendié le bâtiment
administratif puis a été obligé de se replier
vers l'Ouest, les renforts de flics ayant réussi à
le couper de sa base arrière. Il s'est donc retrouvé
dans la zone dévolue aux pacifistes où les flics
l'ont poursuivi. Finalement, il s'est dissout pour revenir, "en
civil", vers la Piazza Giusti.
Vers 16h les affrontements se concentraient au sud-est de "notre"
zone (Corso Torino, Piazza Alimondi) où luttaient au coude
à coude, Black blocs, autonomes, anarchistes, racailles
et Tute Bianche de base (au grand dam de leurs chefaillons qui
couraient partout en tentant désespérément
d'arracher les pierres et les bâtons des mains de "leurs"
petits soldats).
Cette bataille a débuté vers 15h et a duré
plus de trois heures, les flics en ont pris pour leurs grades,
plusieurs fois ils ont dû battre en retraite, laissant des
fourgons à la proie des flammes
pour s'achever par
l'assassinat de notre compagnon Carlo (à 17h30). Il n'y
a rien à raconter sur ce fait que vous ne sachiez déjà.
Ensuite ce fut l'amère défaite
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En guise de conclusion
Aujourd'hui en Italie, la rupture entre tenants de la participation
citoyenne au capitalisme et mouvement radical est consommée.
Alors que les "de gauche" continuent leur uvre
de criminalisation, la principale activité actuelle du
mouvement s'est recentrée sur la solidarité avec
les emprisonnés de Gênes. La campagne de diabolisation
du Black Bloc n'a pas fonctionnée puisqu'anarchistes et
autonomes travaillent ensemble contre la répression.
A Venise, les Tute Bianche ont d'ores et déjà attaqué
à coups de manche de pioche un stand de solidarité.
Pas de doute, qu'en France aussi les débats vont être
âpres. Il doit être clair que la rupture est inévitable
à très court terme, autant "la gauche de la
gauche" a l'intention de donner toujours plus de gages de
respectabilité au Pouvoir, autant il est exclu que le mouvement
radical se contente du rôle de mercenaire au service du
jeu politicien. La seule question est de savoir dans quel camp
chacun va se ranger. Qui d'entre les soi-disant "anti-capitalistes"
va considérer que sa tâche prioritaire est de déclarer
la guerre aux subversifs ?
Notes :
(1) Pour une documentation plus complète, cf. les débats
en cours sur http://web.tiscalinet. it/anticitoyennisme
(2) Cf., dans Le Monde du 24 juillet, un article qui tourne en
dérision cette conférence de presse.
(3) toutes les citations qui suivent sont extraites d'un recueil
de témoignage trouvé sur italy.indymédia.org,
site proche des Tute Bianche, je n'en ai omise aucune.
(4) Dans un texte "Les multiples visages de la révolte
globale et la face assassine de Big Brother", où il
fait l'apologie des Tute Bianche, dont il aime "la façon
de faire respecter leurs propres principes en respectant ceux
des autres". Il doit surtout apprécier leurs appels
à la délation et leurs pleurnicheries sur la trahison
de la gauche. Lire à ce propos le texte "Répression
et géométrie euclidienne", traduit et diffusé
par Serge Q. sur samizdat.org.
(5) A Gênes, l'année dernière, les Tute Bianche
ont chargé le cortège qui s'affrontait avec les
flics, sans parler des escarmouches quasi quotidiennes ni de la
violence débile que peuvent déployer ces "militants"
quand ils accomplissent leur tâche habituelle c'est à
dire celle de videurs de concert.
(6) Sud Ribelle par contre a refusé de fonctionner avec
les Tute Bianche, ainsi que la grande majorité des Centres
Sociaux italiens. Les autonomes n'ont plus aucuns rapports avec
ces gens-là. Voir le communiqués, du Ska de Naples,
du 25 juillet où ils affirment "nous sommes tous des
Black Blocs" ce qui est le contre-pied des Tute Bianche qui
eux réclament à grands cris l'arrestation des "casseurs"
et déplorent la faiblesse de la répression à
leur encontre.
(7) "Quand à l'intérieur des régimes
démocratiques se manifestent des mouvements collectifs
de contestations, un quota de violence est physiologique et constitue
un coût incontournable. Il s'agit de décider si il
faut le réprimer de manière indiscriminée,
ce quota, au risque de radicaliser la violence et de l'étendre
; ou alors justement "de la contenir". [
] Au cours
d'une réunion à la préfecture d'une ville
du Nord, les responsables de l'ordre public et certains leaders
du mouvement [des Tute Bianche] discutèrent pointilleusement
et enfin convinrent minutieusement tant du trajet que de la destination
finale du cortège. Et nous nous sommes mis d'accord sur
le fait qu'il y avait une limite, matérialisée par
un numéro de rue, atteignable avec le consensus des forces
de l'ordre, et un autre point délimité par un autre
numéro de rue plus élevé, non "consenti",
mais "toléré". L'espace entre ces deux
lignes imaginaires - une centaine de mètres - fut ensuite
le "champs de bataille" d'un affrontement non sanglant
et presque entièrement simulé (mais il n'apparaissait
pas ainsi sur les retransmissions télévisées)
entre les manifestants et la police". In La repubblica du
14 juillet 2001, interview de Luigi Manconi, ex responsable du
SO de Lotta Continua, porte-parole des Verts jusqu'en 2000, actuellement
sénateur du Centre Gauche et sociologue.
(8) Contrairement aux Tute Bianche, les radicaux ont évité
de pénétrer au cur du dispositif policier
(la zone orange) sans assurer leurs arrières.
(9) D'après un ex-camarade (Serge Q.), dresser des barricades
et répondre aux lancers de grenades lacrymogènes
envoyées à tirs tendus par des jets de pavasse serait
"tomber dans le piège de la violence spectaculaire".
[Texte paru dans Cette Semaine n°83, sept/oct 2001, pp. 22-25]