Quelques unes de nos réflexions sur les journées de Gênes
Les commentaires enflammés sur les événements relaient (surtout ceux émanant bien sûr de la presse institutionnelle) les accusations des états-majors des organisations présentes à Gênes qui parlent, quasi unanimement, de provocateurs de mèche avec la police (filmés et photographiés dans le détail) ou bien, dans une minorité de cas, de hooligans lâchés pour faire monter lexcitation, samusant avec les flics, leur donnant ainsi lopportunité dattaquer le gros de la manifestation pacifiste.
La première remarque que lon peut faire est que ces accusations sont méthodiquement reprises depuis 25 ans à chaque fois quune manifestation de rue échappe au contrôle de ses prétenduEs organisateurs/trices politiques. Daprès eux, il y a toujours des têtes brûlées, des camarades qui commettent des bavures, des personnes qui tombent dans les provocations (des fascistes ou des flics), ou, plus scandaleux, des infiltréEs.
Cest la seule justification de ceux/celles qui tentent de diriger et instrumentaliser les élans de la contestation de milliers de personnes par des arguments qui touchent tout le monde, de manière directe ou indirecte.
Il y a des milliers de raisons de manifester : une rencontre des pouvoirs, les plus puissants de loccident, protégés par des milliers dhommes armés jusquaux dents, les mêmes hommes qui en premier lieu, chaque jour, partout, appliquent les décisions des puissants.
Le G8 nest rien. Rien ny est décidé. Mais cest un symbole. Et symboliquement il y avait celles et ceux qui voulaient manifester contre. De manière différente et en termes différents.
A ce stade, il est nécessaire de comprendre en quels termes. Manifester démocratiquement au sens convenu par les prétenduEs organisateurs/trices et représentantEs de la société civile, cest-à-dire sans enfreindre la loi, sans causer de dégâts, sans se défendre , cela signifie également admettre, ainsi que les grandes puissances lont souligné à travers leurs porte-parole, que celles-ci représentent des nations dans lesquelles règne la démocratie, quelles ont été démocratiquement élues, et que de ce fait elles représentent tous ceux et toutes celles qui acceptent de voter, qui acceptent les conditions de la gestion démocratique et dêtre gouvernéEs par ça et par tout ce qui dirige la politique. Cest un système où ne subsiste pas de zones grises : on laccepte ou on laccepte pas. En ce sens, ceux et celles qui ont pensé manifester démocratiquement ne manifestaient en fait en pratique que la déception dune minorité institutionnelle à propos des décisions du gouvernement quils ont eux-mêmes et elles-mêmes légitimé en votant.
Cest à dire : même sil y avait eu un million de personnes, elles auraient été considérées du point de vue démocratique comme une minorité. Lélectorat en a décidé autrement, il en a élu dautres, et ceux qui ont été élus démocratiquement décident pour tous et toutes. Plusieurs millions de personnes ont élu ces puissants. Les autres continuent dessayer. Ramez, ramez, et peut-être quun jour ce sera à ton tour dêtre aux commandes !
Quel est lintérêt dune manifestation dune minorité ? Se défouler, montrer que nous ne sommes pas daccord, tenter de faire pression sur nos gouvernants pour quils prennent de plus justes décisions... peut-être parce que nous devons le faire. Mais lorsque nous sommes dans les rues, même pour la seconde, pour la troisième, pour la centième fois, après avoir subi pendant des années les restrictions, les oppressions, les injustices, la répression, la violence imposées par les décisions en haut-lieu, quelque chose dautre se passe. Il arrive que nous nous rappelons la colère ressentie quand nous sommes victimes dinjustices, à quel point il est impossible de gérer sa propre vie car dans chacun de ses aspects on est limité et réprimé par un système qui a forgé des rails prédéterminés doù il est impossible de séchapper. Il nest peut-être même pas possible de savoir qui est responsable de ce qui nous arrive.
Nos employeurs/euses ne sont pas responsables (si on ne travaillait pas pour eux/elles nous ne mangerions pas) ; ceux/celles qui nous font payer des impôts non plus (maintenant ils sont directement prélevés sur les salaires, cest moins douloureux) ; celui/celle qui nous met une amende non plus (en fin de compte il/elle ne fait que son boulot) ; pas non plus celui ou celle qui nous enseigne comment nous comporter dès notre plus jeune âge (nous devrions tous avoir les mêmes référents) et plus tard, à ceux qui ne respectent pas cela, patience et endurance ; ce nest pas celui qui nous gouverne (après tout il agit simplement en tant quexpression de la majorité dentre nous) ; ce nest pas celui qui nous frappe et nous arrête (il faut bien que quelquun le fasse) et puis ce nest pas par la force que les divisions qui maintiennent certains et certaines en bas sont créées...
En ce sens, lorsque dans la vie quotidienne nous voyons que rien ne va, personne nest jamais en faute, personne nest responsable, ils ont tous et elles ont toutes une justification, et il nest pas possible de faire quoi que ce soit, si tu ne mendies pas, que tu ne votes pas et que tu ne demandes pas quelques miettes supplémentaires (plus de fric...).
Sur les grandes questions collectives il ny a pas non plus de responsables : pollution, faim, maladie, guerres, on ne peut plus désormais trouver les responsables. Et nous sommes laisséEs là à nous tordre les mains, impuissantEs.
Il y a celle qui est descendue dans la rue avec ces sentiments rationalisés depuis longtemps, qui les a sentis gronder pendant des heures dans la rue. Et il y en a tant qui ont déchargé leur colère, qui ont explosé, comprenant à quel point, dans ces manifestations, nous navons rien dautre à faire qui ne vous amène pas à un simple pique-nique 1. Il y en a tant qui ont exprimé de façon destructrice leurs grandes colère et fureur contre un système qui, effectivement, est un black bloc, un bloc qui ne laisse pas despace pour une quelconque autre méthode, et moins que tout pour lautodétermination de la vie. Chaque être emprisonnéE finit par se rebeller, aussi grande et aussi confortable que soit sa cage.
Alors, nous pouvons aussi dire que la police aurait chargé sans faire de distinction, quelle a chargé ceux et celles qui nont rien fait, que les flics ne sattendaient à rien dautre, quils aiment frapper, que lambiance était en tout cas à lintimidation, mais le fait est quil ny avait pas dautre manière sensée de se comporter face à 8 puissances qui décident pour tout le monde et qui nous encerclent avec des milliers dhommes armés.
Et celui qui a vu la violence endémique de la cérémonie institutionnelle, de ses blocs, des murs, des divisions, avant même la violence directe, sait que la responsabilité incombe à lEtat et à ses protecteurs, indépendamment de tout provocateur/trice. Leur seule existence est une provocation, une menace.
Quand nous manifestons contre ceux qui gouvernent le monde, nous ne pouvons pas user de moyens modérés. Le système veut que quelquun (ou quelques-uns) gouverne tout le monde, et lindividuE ne peut rien faire. Et lors de ces journées, des milliers dindividuEs, pas seulement des anarchistes (maintenant quil est clair que tout nous intéresse excepté chevaucher le tigre), se sont expriméEs et ont vécu leur propre courroux sans médiation.
Ils savent les organisateurs/trices, les médiateurs/trices, les politicienNEs institutionnelLEs que personne, ni eux et elles, ni nous, ni quiconque dans les rues, hier ou dans le futur, ne peut diriger la contestation, ne peut contenir la rage de ceux et celles qui sont contraintEs chaque jour de vivre sous légide de lEtat, des lois, de la justice. Ils et elles les prétenduEs pacifistes, sociaux-démocrates et réformistes ne peuvent rien faire dautre que reproduire les systèmes et méthodes de ceux quils/elles prétendent contester : organisations hiérarchisées et spécialisées, délégation, représentation, contrôle, censure, répression. Pouvoir contre pouvoir. Ils/elles disparaissent. Ou bien ils/elles se résignent à organiser des voyages pour touristes alternativo-antagonistes blasés, y compris vers des destinations exotiques et lointaines qui ne les touchent pas de près dans leur quotidien.
Quelques remarques critiques générales et résumées : le danger de ces manifestations est que même les plus déterminéEs et les plus sincères seffacent lorsque ce nest quà ce type doccasions quil est possible de sexprimer, cest-à-dire, seulement à loccasion de situations de masse, quand le plaisir de lagitation est partagé par un grand nombre, et quand ces actions sont diffusées par les media : les dangers par conséquent sont le renoncement à la projectualité et la suffisance.
A lopposé, ce qui est matériellement très dangereux est la propagation de films, appareils vidéo et appareils photos partout, même dans nos propres rangs. Linstrument le plus utile à la répression pour le contrôle est lidentification et la répression des individuEs. Il est nécessaire déliminer avant tout parmi nous cette pratique, cette habitude stupide et inutile de filmer et de photographier. La représentation, le spectacle de la réalité ne peuvent que faire dévier nos actions.
El Paso,dimanche 22 juillet 2001
El Paso occupato Turin, Italienecentro nesociale...
nesquat
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distro contatti : fortpaso@ecn.org
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Ndt : 1. Cette dernière expression est la traduction littérale de langlais comme de litalien.
Traduit de la version anglaise, publiée sur a-infos
le 25 juillet 2001 par killing king abacus. Note des traducteurEs
: le texte a été féminisé par nos
soins.