Contribution de Sergio Maria
Stefani
lue au rassemblement du 2 avril 2005 devant la prison de
Turin
Je ne pouvais pas ne pas saisir loccasion qui mest offerte afin que Titto et Alessio (1) puissent pour une fois entendre mon salut de vive voix plutôt que de se contenter de le lire sur un morceau de papier. Dautre part, je suis sûr que ceux qui hurleront sous les murs de vos cages ressentiront la même rage qui tord mes tripes, la même passion qui pompe le sang de mes veines, la même complicité qui nous unit, ainsi leur voix sonnera et tremblera comme le ferait la mienne.
Je voudrai hurler pour vous faire comprendre ce que jéprouve, vous embrasser pour vous faire à nouveau sentir être frères et surs, mais les nécessités imposent que ce que je ressens soit médié par les mots. Ainsi, avant de scander un peu de rhétorique, je voudrais simplement vous dire que je suis avec vous !
Caressez et aimez les barreaux de vos cellules, et lorsque vous sortirez, emportez-en un, nous lassouplirons à la flamme de notre colère et nous le façonnerons sous les coups de notre détermination ; nous ferons la liste de tous les souvenirs de ce que nous avons subi et lorsque le fer sera assez aiguisé, nous frapperons nos ennemis avec, ils tâteront ainsi un peu de leurs propres armes, celles que nous aurons retournées contre eux par notre volonté.
Je ne doute pas que vous réussirez à résister et à sortir la tête haute, jespère seulement pouvoir vous rencontrer avec un sourire et nous pourrons alors nous embrasser comme des frères.
Je voudrai aussi porter ma solidarité et ma complicité aux autres enfermés dans labominable Vallette, non pas parce que vous êtes dinnocentes victimes de la violence étatique, mais plutôt parce que vous nêtes pas restés couchés face à lui et vous en avez défié les lois. Je suis bien plus proche de nimporte quel/le rebelle social/e que de tous ces anarchistes qui se vomissent dessus avec leurs paroles et ne passent jamais à laction. Quant aux compagnons et compagnonnes solidaires, je naurai presque aucune parole pour vous, parce que je sais que vous nen avez pas besoin pour connaître lhorreur carcérale, et dautre part parce que toute parole destinée à fournir des explications ne peut être reçue que par les oreilles de ceux qui sentent déjà instinctivement quil est inacceptable denfermer dans une cage un homme ou une femme.
Pour plusieurs raisons, un rassemblement sous une prison est une forme de critique efficace contre son existence. On peut en effet y porter son propre salut aux compagnon/nes incarcéré/es et aux autres prisonniers/ères, et la force que ces gestes peuvent leur donner est inimaginable. On rompt le mur du silence et disolement qui est nécessaire afin de rendre ces cages acceptables, parce quon se rappelle que des hommes et des femmes, et non pas des délits, sont enfermés dedans. On se rappelle quils/elles subissent quotidiennement les injustices et les humiliations des matons, quil ny a pas de plus grande violence ni de délit plus grave que se priver un homme ou une femme de liberté. De plus, pour nous anarchistes, il est important de montrer, en un moment où la répression devient toujours plus dure, que nous ne voulons pas nous arrêter et que nous savons réagir aux coups infligés.
Si séquestrer un/e compagnon/ne est une tentative darrêter
la lutte, ils se trompent, car dautres reprendront leurs
armes.
Si frapper une réalité [un milieu ]
active est une méthode pour démoraliser, ils se
trompent, la rage ne fait quaugmenter notre détermination.
Sils espèrent faire plier en prison ceux qui ont
déclaré à lextérieur la guerre
à lexistant, ce ne sont que de pauvres illusions.
Sils espèrent que ceux qui restent à lextérieur
sauto-limitent, deviennent leur propre flic par peur de
finir dedans, cette initiative le dément.
Si par le chantage de continuer à nous maintenir prisonniers,
ils espèrent obliger nos compagnon/nes à suspendre
les pratiques dattaques directes, cest à nous,
prisonniers, de refuser dêtre des instruments passifs
de la rébellion et dinciter les compagnon/nes à
festoyer avec nous, séquestrés par lEtat,
pour une liberté ici et maintenant. Nous danserons avec
vos cris, nos cellules sillumineront avec les flammes de
mille incendies, nous porterons toujours un toast à chaque
geste de rébellion et de solidarité.
Ne cessez jamais de lutter et nous serons libres à vos
côtés, même reclus derrière les murs
dune prison.
Un compagnon libre, aujourdhui avec le cur parmi vous sous le Vallette, non pas innocent mais coupable davoir trop aimé et désiré la liberté.
Sergio Maria Stefani,
ex-prisonnier à Palmi dans le cadre de lopération
Cervantes, en résidence surveillée depuis mars 2005.
NdT :
(1) David Santini, Titto , est lun des trois
encore emprisonnés de lopération Cervantes
du 27 juillet 2004. Alessio Perondi est lun des deux incarcérés
de lenquête menée à Pise contre les
Cellules dOffensive Révolutionnaire (COR), depuis
le 7 juin 2004. Tous deux sont enfermés à la prison
de Turin, Le Valette.
[Publié sur anarcotico.net le 18 avril 2005]