- FIES : grève de la faim du prisonnier anarchiste Michele Pontolillo -

A partir du 7 décembre 2000 à midi, je commencerai une grève de la faim indéfinie.

Etant donné la persistance de la situation hautement répressive qui se vit autant dedans qu'en dehors des prisons, et avec la légitimité que me confère le droit inaliénable de l'individu à se rebeller face à la toute-puissance et l'arrogance de ceux qui exercent le Pouvoir, j'informe qu'à partir de midi le 7 décembre 2000, je commencerai une grève de la faim indéfinie pour les raisons qui sont exposées par la suite.

Depuis quelques années, on observe une importante recrudescence de l'action répressive des Etats Impérialistes Européens visant à criminaliser et à réduire l'activisme des mouvements sociaux et politiques, et entre autre du mouvement anarchiste très enraciné dans des pays marqués de continuelles luttes ouvrières et révolutionnaires, comme c'est le cas des états espagnol, italien et grec. Si on regarde le panorama, ce qu'on voit est désolant. La restructuration du capitalisme impulsé par l'emploi à grande échelle de technologies télématiques a ouvert de nouvelles contradictions que les gouvernements ne pourront corriger que très difficilement à travers l'usage de politiques consensuelles. Les états et par extension la société dans son ensemble ont tenu à s'adapter, tant bien que mal, aux exigences du capitalisme, chaque fois plus excluant.

L'abaissement des coût de production, l'indice chaque fois plus grand du chômage, la flexibilité et la précarisation du travail, ont entraîné comme conséquence immédiate le prolétarisation d'amples secteurs sociaux traditionnellement proches de la classe moyenne, l'embauche de main d’œuvre à bas prix venant des pays du tiers-monde, le démantèlement de l'état du bien-être sur lequel était établi le pacte social, à cours d'argent, entre le prolétariat et la bourgeoisie, sont les aspects concluants d'une réalité qui donne à présager non seulement un futur incertain pour tou-te-s ceux/celles qui prennent part au processus de production et qui sont demeurés pris entre l'esclavage du travail et l'angoissante menée d'aller grossir les liste de chômage, mais sinon aussi une plus probable radicalisation du conflit entre classes.

L'incertitude et l'imprévisibilité du futur, le nombre élevé d'exclus du processus productif relégués sur le bord d'une vie de misère et de subsistance, met en question le système d'exploitation. L'écrivain français Jacques Attali décrit ainsi avec un réalisme accablant ce nouveau scénario qui se profile à un rythme accéléré dans l'occident opulent : "ce qui est en train de balayer pas seulement l'Europe, si ce n'est une certaine manière de penser l'ordre social, est un capitalisme totalement nouveau sur le point de surgir, un capitalisme global qui modifiera très profondément le tissu des états et des nations du monde. Un capitalisme impulsé par de nouvelles forces d'où émergera une nouvelle élite et où sera prolétarisé l'ensemble des classes traditionnelles, et où vite ne demeureront plus de salariés, mais une vaste classe de prolétariat déclassé ; une superclasse triomphante flottera sur les eaux fangeuses de la misère et le prix de sortie pour quelques-uns se paiera par la marginalisation de la majorité et la violence des 'déclassés'." Devant cette inquiétante radiographie sociale, les états montrent de sérieuses difficultés pour l'heure à conserver le consensus autour de leurs institutions et des protestations populaires naissantes, dont quelques-unes unes se démarquent nettement de la ligne d'action officielle des partis et syndicats "ouvriers" domestiqués et fidèles serviteurs des patrons, élisant de nouvelles formes de luttes autonomes et autogestionnaires, le démontre. Alors, quelle est la formule adoptée par les états pour contenir, dans des limites tolérables, le mécontentement général et la radicalisation des luttes sociales ?

Ni plus ni moins qu'octroyer à ses organes répressifs tout le pouvoir nécessaire pour faire front à cette situation naissante, avec une emphase obsessive et paranoïaque dans le perfectionnement de sa machinerie pour la "lutte antiterroriste" et "l'ordre et la loi", euphémismes politiques pour le contrôle et l'élimination de tous les dissidents réels, potentiels ou imaginaires. Le fait que cette répression utilise ou non ses instruments de guerre (police, matraques, balles en plomb, montages judiciaires, détentions arbitraires, etc.) dépend du niveau auquel s'est élevé la lutte des classes.

C'est à la vue de tout le monde le grand déploiement de tout es puissants moyens coercitifs et répressifs desquels l'état fait l'étalage ces derniers temps, signal inéquivoque que le conflit entre exploité-e-s et exploiteurs a augmenté considérablement. Les premières victimes de l'état sont, naturellement, les prolétaires rebelles qui ont pris conscience de leur condition d'exploité-e-s et d'opprimé-e-s et ceux/celles en première ligne de la lutte contre le Pouvoir et toutes ses expressions.

Dans le prolétariat insurgé sont les anarchistes, insoumi-e-s déclaré-e-s à l'imposition de l'état et du capital, et pourvus d'un projet politique et social expérimenté dans les thèses socialistes selon lesquelles les travailleur/ses, qui sont les uniques producteurs de la richesse sociale, peuvent et doivent s'émanciper de la domination de la bourgeoisie capitaliste pour être, une fois pour toutes, maîtres de leurs vies et de leur futur.

Ceux qui connaissent, même sommairement, les principes qui animent l'anarchisme sauront que l'anti-autoritarisme plus que viscéral et l'anticapitalisme fondent la théorie et la pratique anarchiste;
Les anarchistes sont des ennemis déclarés de toute hiérarchie, de quelque imposition et domination, peu importe son origine et sa dénomination, faisant l'apologie de la vie et de la liberté, de l'autodétermination de l'individu et des peuples, nous désirons une société autogérée comme base sur laquelle nous puissions construire un monde plus juste, équitable et libertaire.

Et c'est ainsi, quand le prolétariat se prépare à prendre l'initiative face au réveil de ses désirs d'émancipation, comme je l'ai vu de nombreuses fois le long de mon existence, que l'état enlève le masque qu'il porte et montre son véritable visage méprisable, violent et criminel, qui sont pour beaucoup déguisé avec des ornements libéraux et démocratiques. Les méthodes qu'utilise l'état pour en finir avec les révoltes prolétariennes sont connues de tous, ses mains tâchées de sang innocent.

A ma mémoire me reviennent le souvenir de l'infâme GAL, le bataillon basque espagnol et d'autres bandes armées organisées par l'état qui s'adonne à semer la peur et la terreur dans la population inerte observant abasourdie comment tombent l'un après l'autre ceux qui avaient questionné le système et lutté contre lui. De même nous nous rappelons des bombes en Italie de la Palza Fontana à Milan ou de la gare de Bologne, qui ont causé la mort de centaines de personnes, des faits qui encore aujourd'hui n'ont toujours pas été éclairés, le temps que le temps s'écoule et consume ces atroces tragédies. L'état italien ne tient seulement qu'à reconnaître l'implication de quelques-uns uns de ses hommes des services secrets dans ces actes barbares et criminels. Pourtant, malgré tous ceux qui veulent l'occulter, nous savons tous la vérité : les attentats furent planifiés et ordonnés depuis les plus hautes sphères du pouvoir constitué : ce fut le terrorisme d'état qui, dans l'intention désespérée de contrecarrer l'offensive révolutionnaire débordante du prolétariat s'est acharné à changer et transformer radicalement la réalité, se rendant responsable du meurtre de centaines d'innocents;

Plus récemment, l'état italien amena un grand nombre d'anarchistes devant les sacro-saints tribunaux de l'inquisition, accusés de faire parti d'une invraisemblable, autant que grotesque organisation armée, hiérarchiquement structurée, contenant des chefs jusqu'à des lieutenants et des commandos opératifs. Tout cela accompagné d'une forte campagne de criminalisation qui donna lieu à une véritable chasse à l'anarchiste.

Celui qui voulait vanter la révolution ou le communisme libertaire ou qui entretenait des contacts sporadiques ave l'anarchisme fût systématiquement persécuté et emprisonné. L'incarcération ne tarda pas à donner des résultats, prenant la vie des compagner@s Soledad et Edoardo, morts "par l'opération du saint-esprit" de l'état quand ils se retrouvèrent séquestrés dans ses immondes prisons. Les choses n'ont pas changé. L'état continue à utiliser des montages politico-judiciaires comme arme de jet pour éteindre les feux de résistance prolétarienne qui surgissent là où ses contradictions sont les plus aiguës. C'est le cas des trois compagner@s anarchistes madrilènes accusés d'avoir envoyé certains des paquets piégés à chacun des journalistes au service de la presse espagnole la plus réactionnaire.

L'opération fût élaborée et commanditée, comme d'habitude dans ces cas-là, des bureaux du ministère de l'Intérieur, la brigade d'information provinciale ou, ce qui est le même, la police politique s'assura que les accusés comparaissent devant les autorités judiciaires chargées de leur ouvrir les portes de la prison où l'on apprend ce que signifie la douleur, la souffrance et l'impuissance. Les preuves ? Maintenir des relations avec les anarchistes et les prolétaires rebelles incarcérés.

Cependant, pour que les montages politiques aient l'effet désiré, ils nécessitent l'apport d'éléments essentiels comme le lynchage public, le discrédit personnel et politique des réprimé-e-s et la condamnation morale de leurs actes et de leur forme d'être, de ressentir et de penser.

Les moyens de communication de l'état jouent un rôle crucial et décisif dans cet aspect, préparant le terrain pour que la répression puisse agir impunément, se chargeant de criminaliser et de calomnier les individus, groupes et collectifs considérés incommodants et dérangeant pour le pouvoir.

Le jeu est des plus pervers qui se puisse imaginer : les journalistes désignent et accusent, les jugent sentencent et les prisons exécutent.

Ces pédagogues de la conscience de masse, tant occupés à démontrer l'indémontrable, c'est à dire que ce monde tel qu'il est organisé est le meilleur que nous n'ayons jamais eu, excellents manipulateurs de la réalité et inégalables artistes à la déformer, appellent à la mensongère et calomnieuse "liberté d'expression", au lynchage médiatique sous couvert de "droit d'information", entachant de "terrorisme" la solidarité active faite par les réprimés politiques enfermés pour la vie dans ce camps d'extermination du capital, dissimulant les tortures et assassinats qui se commettent quotidiennement dans les commissariats et dans les prisons, l'annihilation des prolétaires rebelles dans les modules d'isolement portant l'insigne de prisonniers FIES, la dispersion, la mort lente et agonisante des prisonnier-e-s avec des maladies incurables en phase terminale, s'abritant dans le tout puissant et dogmatique "Etat de Droit".

Face à ce scénario que nous pourrions qualifier de Dantesque, sans tomber dans le dramatique, il ne reste que deux attitudes : où la soumission aveugle à la dominance capitaliste, ou la rébellion spontanée et passionnée contre tout ce qui nous opprime et nous esclavagise.
- fermeture des modules d'isolement et abolition des Fichiers d'Internes en Suivi Spécial, FIES.
- fin de la dispersion
- liberté immédiate pour tous et toutes les prisonnier-e-s avec des maladies incurables

A BAS LES MURS DES PRISONS !!!

VIVE L'ANARCHIE !!!

Michele Pontolillo, prisonnier anarchiste italien séquestré dans le centre d'extermination de Villabona (Asturies, Espagne).
Michele Pontolillo, Prision de Villabona (M-7), 33271 XIXON, Espagne.

Depuis le 1er décembre 2000, beaucoup de prisonnier-e-s en isolement ou pas ont entamé un mouvement de protestation pour l'obtention entre autre des trois revendications ci-dessus épelées, allant de la grève de faim indéfinie à toutes formes d'actions.

[Extrait du bulletin #23 de l'ABC Dijon, janvier 2001]