Témoignage réel et vivant.

Encore une fois, je fais étalage de mes modestes efforts et, depuis l’intérieur de la prison, je vais tenter de décrire dans ce « travail » les réalités de l’ambiance carcérale, avec toutes ses conséquences et dans toute sa splendeur. Au moins, j’essaierai de vous faire parvenir mes expériences durant ma permanence dans les prisons espagnoles, et la trajectoire dans celles-ci du régime de traitement en 1° grade depuis l’année 1991 à aujourd’hui.

Qu’est-ce que la prison ?
La prison est un monde parallèle à la société, où les murs, la sécurité et les barbelés jusqu’à satiété, abandonnent les personnes emprisonnées aux mains des plus tyrans, vils et mesquins bourreaux (le geôlier). Un monde où la raison perd toute signification, où les lois imposent le jugement arbitraire des geôliers bourreaux qui jouissent de toute impunité pour faire et défaire par leurs plaisirs malsains, qui piétinent, torturent, menottent, privent, humilient, maltraitent psychologiquement et physiquement, briment, sanctionnent et détruisent chaque jour la personnalité des personnes incarcérées, les entraînant au suicide, à la dépendance aux drogues (cachets, méthadone, etc) et exterminent lentement les prisonniers par l’inattention et les négligences constantes, contaminant les détenus à des maladies telles que l’hépatite, la tuberculose, les Sida, etc.

Voulez-vous connaître la prison ?
Préparez-vous à voir l’horreur et l’impuissance dans toutes ses formes les plus lâches et rampantes, parce que la prison est douleur, haine, cruauté, misère … c’est la destruction de la personne incarcérée.

Comment se vit-elle ?
Dans les plus mauvaises et tristes circonstances, cohabitant avec les tabassages, les insultes, les vexations, etc, jour après jour (apprennant à écouter sans entendre et à parler sans sons). Ce n’est pas comment on la vit, mais comment les matons te laissent survivre : enfermé entre 20 et 21 heures par jour dans une cellule, isolé et seul durant de longues et angoissantes années dans des conditions pénibles, supportant toutes les brimades que les bourreaux geôliers te font subir incessamment (beaucoup d’entre eux sont alcooliques et frustrés), restreint de tout matériel, avec juste un minimum insuffisant de vêtements et d’articles de toilette, ne voyant que les murs et le ciel « uniquement », sans paysages, sans images vivantes ou en mouvement, sans couleurs, et tout cela provoque chaque jour des situations limites de tension, de cruauté et de violence. D’un endroit à l’autre de l’Espagne, on te fait parcourir leurs prisons comme châtiment supplémentaire, comme moyen de t’éloigner et t’enlever à la chaleur de l’amour et de la tendresse des tiens, comme stratégie pour passer sous silence les tortures et les coups que t’infligent les matons avec une impunité totale, te poussant à répliquer physiquement pour défendre ton corps et ta dignité, tu vois année après année la condamnation que t‘accomplis s’allonger indéfiniment sans possibilité de remise de peine ni de liberté. Tu es enveloppé dans une dynamique de survivance sans sortie possible, si ce n’est par la mort des mains des matons, de la police, de la guardia civil, de maladie….ou avec le couronnement d’une évasion. La sortie par la « grande porte » est chaque jour plus impossible à atteindre, et quand cela se fait, c’est avec plus de 15 ou 20 ans accomplis à la force du poignet, jour après jour. Goutte à goutte, ton sang et ta vie sont absorbé par les infernales prisons d’extermination de l’Etat Espagnol. La prison ne donne pas, elle prend tout.

Comment te marques-tu ?
En reconnaissant ton ennemi plus directement, en te méfiant de tous les tyrans fascistes et capitalistes qui exploitent, tyrannisent et esclavagisent la société, en refusant le gouvernement qui domine par la force des armes, par le chantage d’un lieu ou vivre, le travail, etc, les personnes libres.
En expropriant la richesse, les biens ou fortune des entreprises et des travailleurs du système pour subsister et leur causer un maximum de dégâts possible pour les mener à leur destruction, avec leurs stratégies d’extorsion et de manipulation.
En constituant quelques valeurs et idéaux, conjointement, dans ton cercle de complices activistes avec les mêmes idéaux et idées d’actions et d’expropriation…, en luttant pour la liberté des tiens, pour le bien commun des hommes et des femmes libéraux de raison et d’esprit.
Un aparté sur ce point pour souligner qu’actuellement, la majorité des personnes emprisonnées n’ont pas eu de défense correcte, ni de jugement juste, avec pour conséquence une condamnation injuste…
Les remises de peines ne sont ni reconnues, ni appliquées, et lorsqu’elles le sont, c’est que la condamnation a été accomplie pratiquement en entier.
La désinformation pénale est préjudiciable aux détenus et est à l’ordre du jour. Les régimes de traitement sont désastreux, pathétiques et insoutenables. Dans sa majorité, le personnel des bourreaux matons est malade de mépris et de haine envers le prisonnier. Ces bourreaux sont rétrogrades dans leurs pensées et sont des fascistes radicaux.
Qu’est-ce que le régime de traitement de premier degré dans les prisons de l’état espagnol ?
J’ai été classifié en traitement de premier degré à 17 ans, et je fus maintenu dans les dures et inhumaines conditions de ce régime dans les différentes prisons espagnoles, entre celles que je distinguerais par ce « travail », il y a celles de La Coruna, Monterroso, Valdemoro, Villabona, Puerto de Santa Maria, Soto del Real et Palencia.
En particulier, pour le régime d’extermination et de répression qui était appliquées et qui sont appliqué dans ces prisons en régime de 1° degré de traitement, et de cela résulte uniquement quelques « incidents et détails », qui je crois doivent être connus de la société, car on ne doit pas permettre que soit passé sous silence et occulté ces régimes cruels et inhumains, ni les conduites répressives et malsaines des geôliers de ces prisons de l’état espagnol fasciste.

Prison de La Coruna
Mes premières expériences de vécu en cellules d’isolement et en régime de 1° degré de traitement (art. 10 LOGP), ont été dans cette prison provinciale durant les années 1990 et 1991. L’isolement est un petit département (4 cellules) déplorable, où chaque semaine on avait coutume de me changer de cellule (pour questions de sécurité), de me déposséder de mes affaires, de la nourriture, etc, m’autorisant uniquement une couverture et un matelas lors de mes changements de cellule.
Ils avaient pour coutume de le faire pendant le jour ou la nuit, vers 2, 4 ou 6 heures du matin, moment où de nombreux matons se présentaient portant des matraques et quelques menottes… et en état d‘ébriété, entre les insultes, les rires, les menaces, les empoignades et les coups, ils me changeaient de cellule.(il faut souligner que ce genre d’incidents répressifs et dégradants, n’étaient pas hebdomadaires comme dans d’autres prisons, mais quand même avec une grande fréquence d’une, deux, voire trois semaines de différence.).
En d’autres occasions je me suis vu enchaîné, par les pieds et les mains, au lit en position de croix, durant 3 ou 4 jours consécutifs, totalement négligé par les médecins et les matons, ayant à me faire dessus les nécessités physiologiques (cela est fréquent lorsqu’une personne prisonnière est enchaînée et que le temps se prolonge…)

Prison de Monterroso
Le module d’isolement est aussi connu comme « la casa de la pradera «  [la maison dans la prairie], pour sa structure et sa séparation des modules de la prison.
Dans ce module les vêtements des prisonniers sont restreints à deux tenues pour chacun.
Le matin, approximativement à 8h30, on nous retirait le matelas et ce que nous avions jusqu’à environ 21h 30, heure où les matons nous rendaient les choses utiles qu’ils nous avaient retirés. Cela arrivait lors de sanctions disciplinaires supplémentaires à l’isolement en cellule ou à l’isolement provisoire, ils retirent jusqu’au clopes, briquet, peigne, etc, et laissent la personne prisonnière avec l’endroit, une serviette de toilette et du savon, lorsque ça va.
Ces pratiques répressives étaient effectuées par les bourreaux geôliers, qui brandissaient des matraques et d’autres objets avec lesquels ils nous frappaient physiquement, entre menaces et insultes, ayant plusieurs fois pour résultat le prisonnier battu brutalement, conséquence de la répression et de la violence des matons qui administraient des passages à tabac avec pas mal de fréquence.

Prison de Valdemoro
La violence des bourreaux matons se note dès la porte d’entrée principale, où ils avaient et ont l’habitude de taper brutalement les prisonniers.
Dans le module 4 du régime de 1° degré de traitement, dans les premières cellules de chaque galerie, la fenêtre est à un mètre de la fenêtre du bourreau gardien (de façon à ce que le maton psychopathe te voie et t’écoute).
Ces cellules ont une fenêtre intérieure communiquant directement avec le bureau du maton, mur contre mur, de manière à ce que l’intimité soit inexistante, (j’ai vu ce type de cellule uniquement dans la prison d’extermination de Valdemoro, Madrid III). Beaucoup de fois le maton bourreau consacre son temps à t’insulter et à t’appeler, gênant et altérant ainsi ta routine et ta tranquillité lorsque c’est possible.
Dans ce module 4, pour descendre et remonter de la cour/cage, on nous soumet à une fouille intégrale journalière, consistant à rester totalement nu à la douche ou dans le couloir de la galerie, et de faire des « flexions de jambes » devant les matons bourreaux. De plus, dans certaines occasions lors de ces fouilles intégrales on exige du/des prisonnier(s) de montrer les fesses en les séparant avec ses mains, avec la menace d’être agressé physiquement par ces matons à la conduite violente.

Prison de Villabona
Les sorties dans la cour/cage sont programmées en solitaire ou par tour de deux prisonniers (c’est fréquent dans ce régime de 1° degré de traitement). Ces cours-cages, sont de petites dimensions : environ près de 12 m sur 8m, avec des grillages métalliques faits de trous de 3 cm de diamètre qui servent de toiture, et où croisent également des douzaines de barres de fer de part et d’autre, rendant l’accès difficile à la lumière du soleil et à la ventilation.
Dans ce module d’isolement, comme dans cette prison, les morts par pendaison, overdose, etc. (en d’obscures circonstances) sont fréquentes.
En peu de mois deux morts et quatre tentatives de suicide ont été comptabilisées dans la prison, ainsi qu’une tentative d’assassinat d’un prisonnier par le directeur de la sécurité de la prison, qui provoqua une plaie nécessitant 40 points de suture à la tête et de multiples lésions sur le corps.

Prison de Puerto Santa Maria
Dans son module spécial 1 et le module d’isolement 5, aussi connu comme « la coupole », des plaques de métal avec des trous de 2 cm de diamètre ont été placés sur les fenêtres, empêchant la lumière du soleil et la ventilation de pénétrer dans la cellule, et qui furent déclarées illégales par jugement du Tribunal Constitutionnel …
De façon surprenante, la répression est à un tel point malsaine, que les bourreaux matons maintiennent le silence des prisonniers par la menace de la terreur et des bastonnades, car dans ce module (module spécial 1) on ne permet pas de parler à travers les fenêtres ou depuis la cour avec d’autres prisonniers à leurs fenêtres, sous la menace d’être agressé physiquement et finir enchaîné au lit en position de croix et sanctionné disciplinairement, sanction que le juge de vigilance pénitentiaire approuve et maintient dans son intégrité.

Prison de Soto del Real (Madrid V)
Les passages à tabac, tortures et enchaînements sont fréquents dans son module 15, au régime spécial, de manière particulière, l’un de tant de ces actes aberrant pratiqué en régime de 1° degré est que le prisonnier se trouve enchaîné au radiateur de la cellule et aux barreaux de la fenêtre pendant que les bourreaux matons s’acharnent à lui administrer des coups de pieds et poings, et après ils dénoncent le prisonnier pour lésion et attaque envers les matons, et le condamnent en fonction de la répression et de la tolérance judiciaire pour passer sous silence leurs actes répressifs et violents.
Dans cette prison, comme dans beaucoup d’autres, des refus de sortir de cellule, des grèves de la faim et de dénuement de total ont été menées pour que nous soit rendu nos affaires et que soient respectés nos droits élémentaires d’êtres humains et de prisonniers.

Prison de Palencia (Duenas)
Dans le module 15 de 1° degré de traitement, quasi quotidiennement, le prisonnier est enchaîné au lit (par les pieds et les mains) en position de croix et agressé par les matons étant dans cette position de sujétion et l’impossibilité de se défendre, prisonniers en 1° ou 2° degré de traitement à qui injustement et par la volonté des bourreaux matons on applique les art. 72 et 75 du Règlement Pénitentiaire, étant seulement conduit dans ce module pour y être enchaîné et agressé par les matons.
Dans ce module, on nous met des menottes aux mains chaque fois que nous sortons de cellule (pour aller communiquer, aller à l’infirmerie, …) sans motifs qui ne fondent ni ne justifient cette pratique, comme tant d’autres pratiques de sécurité mentionnées qui s’argumentent par la pratique constante de toutes les tortures, brimades gratuites, coups, enchaînements, privations illicites, etc., dans les prisons d’extermination et de terreur de l’état répressif espagnol.
Avec assiduité, dans ce module, on supprime aux prisonniers les droits basiques comme pouvoir aller en promenade le peu d’heures que c‘est permis, devant demeurer durant des jours dans la cellule sans pouvoir en sortir, et beaucoup de fois uniquement avec un matelas et le vêtement que l’on porte.
Ces résumés réels d’expériences vécues ne sont qu’une millisémale partie de la quantité d’atrocités ayant lieu à l’intérieur des régimes de traitement de 1° degré des prisons espagnoles, conséquence de l’impunité avec laquelle travaillent ces bourreaux pour effectuer leurs actes misérables, méchants et atroces.
Je conclus ce « travail » en rappelant que dans toutes ces prisons et les autres on torture, humilie et assassine beaucoup de personnes emprisonnées. Certains continuent debout à supporter ces atrocités, enfermés en cellule 20 à 21 heures par jour, année après année, sans activités, sans autres options que la résistance et la revendication pour exiger que soient respectés les droits les plus basiques, fondamentaux et humains.
Un appel à la société pour rappeler que dans les prisons ils nous ôtent la vie.
Avec une sincère et chaleureuse embrassade à toutes les personnes qui croient et qui luttent pour éradiquer les tortures, l’esclavage et l’exploitation des êtres humains.

Fco Javier Rodriguez Gantes
CP Nanclares de la Oca — c/Tacope s/n
00123 Langraitz - Araba

[Extrait de la brochure "Résistance(s) au carcéral / pour en finir avec toutes les prisons", mai 2002, pp.48-50]