Août
2000. Langraitz
Une affectueuse embrassade pleine damour anarchiste.
Jai reçu votre lettre dans laquelle vous me demandez dexpliquer
mes idées sur comment nous pouvons envisager dautres luttes ou tactiques
anti-prison. Aussi vous me demandez de vous décrire la prison, comment
je la survie et quest-ce que jen pense en général.
Bien, de ce lieu ce nest jamais facile de répondre à quelques-unes
de ces questions, dautres questions je nen connais pas les réponses
parce que, entre autre, je ne suis pas « futurologue »,
et je ne sais pas comment construire une société sans prisons sans
avoir avant détruit le système économico-politico-social
et moral actuel. Sans en avoir fini avec toutes les origines des délits.
Quoiquil en soit, je vais commencer à expliquer mes idées,
répondant dans lordre aux questions que vous me posez.
« LA PRISON »
La prison comme
structure architecturale nest rien de plus que cela : un édifice.
Pour cela quand nous parlons de la lutte anti-prison nous devons aller au-delà
de larchitecture. Une prison est un édifice ou sadministre
et seffectue le châtiment et la souffrance que dictent les sentences
légales. Ainsi, quand quelquun parle de lutter contre les prisons,
je ne sais pas très bien à quoi il se réfère
« CE QUIL
Y A
»
De mon point de vue je comprends quil y ait divers fronts/espaces desquels
ON lutte CONTRE, de plusieurs manières, de beaucoup daspects, de
forme ou/et de fond sur les prisons, seulement pas contre les mêmes. Je
mexplique. Cest à dire, la lutte politico-juridique se charge
de DENONCER et RENDRE PUBLIC les aspects formels, physiques, personnels et despace
quil y a dans la prison. De telle manière que ce qui ressort de ces
dynamiques sont des expositions et des révisions interminables sur les
aspects juridico-formels, sur des conditions extraordinaires qui portent atteinte
aux « DROITS », quils soient Légaux, Juridiques
et/ou Humains. Cette lutte ou front, en réalité nest pas une
lutte ANTI-PRISON dans le sens strict et sémantique, mais une lutte/front
juridico-légaliste de caractère réformiste et bourgeois en
faveur de DROITS.
Un autre front/espace se donne une ambition SOCIO CULTURELLE qui se charge de
rendre PUBLIC ce qui se maintient en privé. On fait des conférences,
on explique, on débat, on philosophe, on fait mention de tous ces CAS qui
se savent sur des injustices manifestes pour que les gens de la « société »
connaisse la prison dun point de vue distinct de lofficiel. Dans ce
secteur, certains rentrent en contact avec quelques prisonnier(e)s dans le but
de se rapprocher de leurs situations, existences, etc. On publie des articles,
livres, textes. De plus il y a des groupes qui font simultanément à
une date précise des manifestations dans les rues, devant les prisons,
etc. Néanmoins ce front/espace peut sappeler ainsi un mouvement ANTI-PRISONS ;
tout au plus cest un mouvement dassistanat culturel/social petit bourgeois.
Quant au Mouvement Anti Prisons. Où est-il ? Dans les programmes des
« Communistes », qui disent que quand on en aura fini avec
la Bête Capitaliste, on en finira avec les inégalités socio-économiques
et, pour autant, avec le délit, les prisons, etc. ?? Dans les programmes
politiques des Sociaux Démocrates qui disent quils feront des prisons
plus « humaines et dignes » ? Sociaux Démocrates
et Communistes ne se sont JAMAIS caractérisés pour lutter contre
aucune prison. De plus, les Communistes se sont démontrés historiquement
être plus répressifs et matons que ce quils ont renversé.
Tous les partis politiques tiennent dans leur agenda la prison comme alternative
au « délit ». Et quest ce que le délit ?
Ceux-là se chargeront de le dire quand ils prendront le pouvoir.
NOUS LES ANARCHISTES
Nous sommes anarchistes, amant(e)s des libertés, fils
et filles de lIdée et révolutionnaires. Nous sommes arrivé(e)s
par le biais du rationalisme à une série de conclusions qui nous
caractérisent par essence comme anti-autoritaires, anticapitalistes et
antifascistes.
Nous rejetons toute autorité, toute hiérarchie et tout SYSTEME reproducteur
de la bureaucratie et du pouvoir. Nous sommes un contre pouvoir aparraissant dans
tous les sens de L EXISTENCE SOCIALE. En étant ainsi, chaque anarchiste
se REGROUPE par ses AFFINITES pour arriver à vivre en juste adéquation
avec sa manière de concevoir lIDEE.
Cependant lIDEE est sentie par chaque anarchiste dune manière
très particulière. De telle façon quen notre sein nous
nous rencontrions avec des anarchistes de tous types et conditions. Certains discutent
sur la « violence » et vice-versa. Certains pensent que
la lutte doit être causée par un mouvement de masse (anarcho-syndicalisme)
et dautres pensent quelle doit être individualiste
Comme cela nous découvrons les points qui nous séparent les uns
les autres, tant dans le formel (mode dorganisation), que dans la tactique
(stratégie de lutte) ainsi que dans la morale (faire ou ne pas faire).
Cependant nul dentre nous ne FAISONS RIEN pour chercher les points qui nous
unissent. Il semble que pour maintenir nos propres références/particularités,
on ne doive maintenir une éthique-esthétique qui nous différencie/éloigne
les uns des autres
pourquoi ?
Personnellement je nappartiens à aucune organisation et/ou groupe
organisé. Je suis un individu qui se lie, cependant, avec les affinités
des organisations, groupes et individus révolutionnaires, anarchistes ou
pas. Et, de là, jécoute et analyse les multiples points de
vue et actions des uns et des autres, et toutes les actions qui peuvent altérer
cette merde de système me paraissent superbes. Il me paraît bon que
les anarcho-syndicalistes luttent depuis leurs organisations avec les travailleu(r/se)s
pour leur bien-être
Il me semble bien que des groupes comme la CNA
(ABC) lutte depuis leur positionnement de soutien aux prisonnier(e)s et beaucoup
dautres choses que je ne connais pas. Il me semble bien que les FIJL, les
JJLL le fassent aussi, etc.
Globalement, il me semble aussi positif que dautres groupes ou individus
expriment leur lutte depuis une perspective informelle et diffuse ; quon
braque des banques, quon mette des bombes, quon occupe des lieux ou
quon nique une canaille
Il semble que plusieurs compagner@s ont oublié (ou ont mis dans un petit
coin de leur mémoire) que lobjectif prioritaire des anarchistes reste
la destruction de lETAT, son annihilation et la construction despaces
libertaires depuis lesquels on pourra mettre en PRAXIS les principes du Communisme-libertaire.
Et, cela, nous nallons pas le réussir si nous renonçons à
nimporte quel de ces aspects qui peuvent enrichir nos IDEES et nos LUTTES.
La violence est un aspect de plus de la LUTTE ; ni meilleur, ni pire, simplement
là entre nous. Jamais la violence individuelle ou en groupe ne sera pire
que la violence ETATIQUE. Ni quantitativement, ni qualitativement parlant. LETAT
tient le Monopole de la violence. Sa violence est légalisée.
Ceux qui croient que « pacifiquement » nous pourrons arriver
à nos aspirations de destruction/construction, vivent dans un monde de
politique-fiction avec des réminiscences mystiques. Ce serait mieux quils
se fassent curés.
Ricardo Mella a dit une fois que « nous ne pouvons pas persuader les
autres en parlant ». Et moi qui ne suis pas si profond, je dis que
par exemple on ne peut pas exproprier une banque avec un bouquet de marguerites,
ni persuader avec de beaux et justes arguments un tyran de cesser de lêtre.
Devons nous tendre lautre joue ? Devons nous nous laisser humilier
parce que nous sommes pauvres ?
La violence dans certaines circonstances jaillit spontanée, naturelle
Notre propre SYSTEME SOLAIRE naquit dune explosion cosmique. Nous autres,
de même, naissons à travers une violence, arraché(e)s aux
entrailles de nos mères
Je nai jamais vu personne (qui ny
trouve dintérêts) critiquer ou discuter la violence naturelle.
En même temps la violence qui vient du bas et qui vise le cur de la
bête est une autre violence naturelle accompagnant la VIE SOCIALE
De mon point de vue, lIDEAL serait quen parlant nous pourrions régler
nos différences. Cependant je constate quil me manque des mots pour
que les ennemis de lHumanité, non seulement nous respectent, mais
aussi quils aient peur de nous et quils nous prennent autant au sérieux
que nous prenons au sérieux LA VIE.
Mais bon, cest comme ça. Je ne veux pas faire une critique qui ne
soit pas constructive, et pour cela je respecte chaque espace/front de lutte,
desquels dune manière ou de lautre, nous additionnons nos petites
victoires à notre CAUSE AIMEE.
Japplaudis toutes les diffusions dIDEES, ACTES et ESPACES desquels
on DENONCE LES DROITS (bien que les Droits Juridiques soient contraires à
mes convictions
) auxquels on porte atteinte et quon bafoue. Japplaudis
pour chaque action qui ouvre les yeux aux NOTRES et remplissent dappréhension
les autres. En somme, je crois que toutes les armes qui sont à notre portée
doivent être utilisées pour mettre fin à tant dinjustice,
de misère et dexploitation. YEN A MARRE DE TOUTES CES SALOPERIES !!
QUELQUES IDEES ANTI-PRISONS
Comme je le notais au début de cet écrit « LA
PRISON » nest rien de plus quune structure architecturale
et que si quelquun se proposait à la détruire, il lui suffira
de quelques kilos dexplosifs
Mais la question ne réside pas
dans la structure matérielle.
Nous devons mieux nous concentrer sur les souteneurs et les administrateurs de
cette infrastructure : le personnel pénitentiaire et les autres. Les
prisons sont des objectifs sur lesquels il est facile de faire pression. Elles
ne sont pas des démons avec des pouvoirs surnaturels : ce sont des
personnes, des sujets sociaux, avec des maisons, des voitures, des possessions
matérielles, des itinéraires, des costumes. ILS SONT VULNERABLES.
Si un groupe se le proposait vraiment, il pourrait déstabiliser vraiment
le fonctionnement ordinaire dune prison. Comment ? Imaginons que je
sois un des composants de ce groupe. Quest ce que je ferai ?
Je commencerai par rassembler toute linformation possible (LINFORMATION
CEST LE POUVOIR ) sur tous/toutes ceux/celles qui « travaillent »
dans cette administration. Je me posterai avec un appareil photo dans un lieu
proche des édifices de cette prétendue Institution et je ferai
des photos de chacun(e) des responsables ; je prendrais bonne note des immatriculations
des véhicules, des horaires, etc. Après, je les suivrais pour découvrir
leur quartier, leur maison. Jarriverai à savoir leur numéro
de téléphone, leurs noms et prénoms
DE LUSAGE DE
LINFORMATION
Lusage de linformation dépend de la stratégie
que chaque groupe antiprison veut mettre en pratique.
Pour se documenter fidèlement sur les noms des responsables, il y aurait
besoin de communiquer avec les prisonnier(e)s, se montrer les photos et échanger
des opinions sur chaque sujet en concret et enseigner QUI EST QUI dans cette guerre
sociale, et quelle attitude avoir pour chacun(e) de linstitution pénitentiaire
Lanonymat est lune des armes quutilisent les gestionnaires de
linstitution pénitentiaire
Grâce à cet anonymat,
ils peuvent abuser de leur pouvoir et être confiant en ce que RIEN ne pourra
JAMAIS leur arriver, parce quen plus, ils comptent avec le corporatisme
carcéral, le silence complice du système, et cest cela quils
appellent société
Grâce à cet anonymat, ils exercent
leur répression particulière sur les prisonnier(e)s : ils
se savent tout puissant. Alors, identifions ces canailles et « individualisons le
traitement » : A CHACUN CE QUIL MERITE.
Comme je lai dit, linformation nous permet dIDENTIFIER et de
DISCERNER pour chaque prison et pour chaque maton(ne) en concret. De cette manière,
cela facilite notre travail, et ce que chaque groupe désire mettre en pratique.
EN TOUS LES CAS
Ce nest pas ainsi que nous en finirons avec les prisons,
mais au moins, nous en finirons avec beaucoup de leurs pratiques et nous tendrons
à « contrôler les contrôleurs ».
LA PRISON doit être connue, démystifiée, plus transparente
et elle doit être connue par la société par notre action.
Pour en finir avec la prison, nous devons faire savoir à la société
quelles sont les causes et les origines de celle-ci, ainsi que celles des « délinquants ».
Nous devons en terminer avec cet appendice honteux de létat
La « Société » doit connaître la VERITE
sur les prisons, et que celles ci ne servent à RIEN à part à
la ségrégation, la souffrance, la torture et la mort, lexploitation
et la douleur.
Bon
et jen aurais finis pour aujourdhui
(jen ai mal
aux doigts décrire). Et quant à comment je survis la prison,
je répondrais avec simplement un « pourquoi me reste-t-il des
raisons pour vivre, aimer et lutter
»
Une embrassade à tous et toutes -- Gabriel.-- .
« PERSONNE
NE PEUT SURVIVRE TOUT SEUL »
Quelquun ma dit une fois : « personne ne peut
survivre tout seul ». A cette époque là, je croyais pareil.
Avec les années et mes circonstances, mes idées ont changé :
on peut survivre seul, mais tu deviens une pierre.
Lisolement commence à te pétrifier depuis linstant où
on te dissocie de tous les stimulis vitaux, émotionnels, sensoriels, psychologiques,
physiques, intellectuels, spatiaux, sociaux
Lisolement tendurcis de telle manière que tu commences à
entendre le grincement sec et monotone de tes neurones. Tout ton être se
rétro-alimente constamment de souvenirs et dexpériences passées.
Ils tabrutissent, tanimalisent et une seule chose anime ta putride
humanité : le désir de liberté.
Treize ou quatorze ans disolement dans tout létat mont
appris la langue des pierres. Cest un peu comme si tétais une
montagne perdue au milieu du NEANT qui écoute et sent le pas des vents,
et les pluies, et les implacables rayons solaires, érodant chaque grain
de ton humanité pétrifiée. Cest un peu comme être
une pierre au service et aux caprices des Eléments (Naturels ?)
Et moi qui ne suis quune petite pierre des chemins, jai connu des
montagnes humaines désintégrées au milieu de ce NEANT jusquà
être poudre dans ma mémoire.
Jamais je nai entendu la lamentation de ces Monuments à la Dignité
Humaine : je nai pas non plus entendu les protestations de la race
humaine devant ces Morts si précoces à la Dignité Humaine.
Et comme le dit le poète Léon Felipe :
«
comme toi, petite pierre,
comme toi, je chante que tu roules,
comme toi,
»
Quelquun ma dit une fois « Personne ne peut survivre tout
seul ».
Gabriel 1° sept 2000
Centre dextermination de LANGRAITZ (Espagne)