Chers compagnons...

Nous sommes six compagnons enfermŽs dans le couloir de la mort (dŽpartement Fies 1-CD) de la prison dĠextermination quĠest Villanueva et nous voulions vous faire savoir que samedi dernier, le 7 avril 2001, nous avons commencŽ la premire grve de la faim dĠun jour par mois, concrŽtisant ainsi la proposition qui sĠest diffusŽe depuis janvier de la prison dĠextermination de Due–as (Palence) : ce sont des grves de la faim qui se rŽaliseront tous les premiers samedis du mois, elles sont de durŽe illimitŽe et continueront jusquĠˆ ce que soient reconnus nos droits humains. LĠobjectif est Žgalement quĠelles sĠŽtendent ˆ un niveau international. Pour tous les prisonniers du monde qui voudraient relayer cette lutte, la consigne est la suivante : grve de la faim tous les premiers samedis du mois. De plus, nous voulons vous faire savoir que le compagnon Sergio Sampedro Espinosa est en train dĠaccomplir une grve de cour de promenade, de durŽe illimitŽe, depuis le 19 mars 2001, pour demander son transfert ˆ la prison de Picassent (Valence) afin dĠobtenir un rapprochement familial ; sa compagne rŽside ˆ Barcelone et doit effectuer plus de 1 400 kilomtres pour se rendre au parloir.

LĠŽloignement imposŽ par le systme carcŽral est une forme supplŽmentaire de torture, dont nous souffrons, nous, nos familles et nos amis. Cela accro”t notre vulnŽrabilitŽ. Par exemple, dans ce couloir de la mort aucun de nous nĠest de Valladolid, trois compagnons sont de Galice, un de Euskal Herria, un de Riaja et un de Melilla.

Ce couloir de la mort est totalement automatisŽ (les portes des cellules et autres portes, grilles, etc.). Les cellules sont petites (environ 2,5 mtres de large, 3,5 mtres de longueur, 2,5 mtres de hauteur), elles ont deux portes, une massive, lĠautre avec des barreaux et deux systmes de grille aux fentres (une en forme de petite fentre trs Žtroite et lĠautre en forme de grillage avec des trous de 2 centimtres sur 4 centimtres). Elles sont ŽquipŽes de dispositifs antiŽmeute (le lit est un bloc de bŽton, le tabouret, la table et la paire dĠŽtagres pour mettre ses vtements sont en fer et sont scellŽs au sol et aux murs), les toilettes sont ˆ vue et ˆ deux mtres de la table, il nĠy a pas de miroir, et chacune des cellules a un systme dĠŽcoute-interphone. En face de chaque porte de cellule il y a une camŽra de surveillance, cinq camŽras contr™lent les fentres des cellules de lĠextŽrieur, il y a deux cours de promenade (une normale et une autre plus petite, couverte de filins mŽtalliques), avec des murs de six mtres de haut et un minimum de trois rouleaux de fil barbelŽ avec des pointes antiŽvasion qui couronnent le haut des murs.

Six camŽras de surveillance et deux guŽrites, lĠune de flics et lĠautre de matons, contr™lent la cour normale.

Les choses vont toujours aussi mal, la rŽpression continue ˆ se durcir : ils contr™lent nos moyens de communication, gardant beaucoup de nos courriers et nous refusant toute correspondance avec nos amis, mme tŽlŽphonique, en rŽduisant au minimum le temps du peu de communication quĠils nous accordent avec nos parents et nos proches. Ils continuent ˆ nous dŽplacer menottŽs ˆ lĠintŽrieur, en nous fouillant de faon quasi systŽmatique et profitant de lĠeffet de surprise (fouille ˆ nu, palpations, utilisation de dŽtecteurs de mŽtaux, fouille de nos cellules et de nos affaires personnellesÉ) ; ils continuent ˆ nous maintenir enfermŽs 21 heures ˆ 22 heures par jour dans ces cellules de punition et 2 ˆ 3 heures dans la cour ou la cage, en nous sortant un par un ou avec un seul compagnon, toujours ˆ des heures diffŽrentes de la journŽe. Ils maintiennent les fentres des cellules couvertes dĠun systme de grillage qui empche la lumire du jour de rentrer suffisamment, les cellules sont ainsi dans une constante pŽnombre.

Hormis le fait dĠobstruer notre vision de lĠextŽrieur, ils portent prŽjudice ˆ notre vue et augmentent notre claustrophobie. Ils continuent ˆ nous interdire les activitŽs acadŽmiques, culturelles, sportives, les loisirsÉ Refusant les sorties au gymnase, au terrain de foot, cinŽma, thŽ‰tre, bibliothque, ŽcoleÉ

Dans la prison, ils nous menottent pour les visites mŽdicales qui se dŽroulent ˆ travers les barreaux et en prŽsence de surveillants, les soins mŽdicaux sont insuffisants et humiliants, ils nous donnent une soupe quotidienne peu variŽe et de trs mauvaise qualitŽ. Ils continuent de nous refuser le droit ˆ un poste de travail rŽmunŽrŽ et ˆ bŽnŽficier de la sŽcuritŽ sociale ; ils continuent de nous provoquer et de nous faire subir des mauvais traitements, nous imposant des sanctions fondŽes sur la calomnie, nous refusant la possibilitŽ de progresser de phase et de degrŽ ; en rŽsumŽ, ils nous soumettent ˆ des vexations constantes, ils continuent ˆ violer nos droits en toute impunitŽ, avec lĠapprobation et la complicitŽ de lĠappareil judiciaire puisque ce dernier est tenu au courant de toute cette barbarie au travers de nos continuels recours, plaintes et dŽnonciations.

Dans ce couloir de la mort, ils sont parvenus ˆ assassiner deux compagnons. On les a retrouvŽs pendus dans leur cellule, ils les ont poussŽs au suicide, ils nĠont pu supporter ce rŽgime de torture et de mauvais traitements. Il est clair quĠils nous condamnent ˆ une privation totale de nos libertŽs et ˆ souffrir dĠune claustrophobie causŽe par ces petits cachots gouvernementaux et par la vue des grilles, des grillages, des murs hauts, des fils barbelŽs, des filins mŽtalliques en guise de toit dans les minuscules cours de promenade, camŽras de surveillance, systme dĠŽcoute, guŽrites de flics et de matonsÉ Ils nous condamnent ˆ souffrir dans un microcosme de bŽton et de fer, ˆ lĠarchitecture trs hostile et opprimante, ils nous condamnent ˆ un contr™le trs opprimant, ˆ un isolement quasi absolu, ils nous condamnent ˆ subir la violence carcŽrale institutionnelle ˆ son plus haut niveau, ce qui sans aucun doute, ˆ court ou ˆ long terme, finit par nous dŽtruire.

LĠangoisse si cruelle que provoque la rŽpression, avec toutes les consŽquences psychologiques nŽgatives quĠelle entra”ne sur les personnes qui la subissent (stress chronique, hallucinations, parano•a, schizophrŽnie, claustrophobie, nŽvroses, problmes cardiaques et respiratoires, cancersÉ), finit par rendre malade et assassiner quiconque, surtout si la rŽpression carcŽrale est aussi brutale que celle des rŽgimes dĠisolement et Fies de premier grade.

Pour cela, chers compagnons, nous continuerons ˆ lutter contre toute cette barbarie, nous continuerons ˆ lutter pour nos droits humains, nous continuerons ˆ lutter pour un monde sans prisons et nous vous encourageons ˆ vous joindre ˆ cette juste lutte, celle de tous les opprimŽs, exploitŽs du monde.

Sans plus pour le moment, salut fraternel et libertaire. .

LAUDELINO IGLESIAS MARTINEZ, 23 ans dĠenfermement, dont 13 ans en premier degrŽ.
FARID HALIFA BALAID, 19 ans dĠemprisonnement, dont 10 ans en premier degrŽ.
JOSE SANCHEZ MARTiNEZ, 18 ans dĠemprisonnement, dont un en premier degrŽ.
JUAN CARLOS DOPICO GARCIA, 10 ans dĠemprisonnement, dont 4 en premier degrŽ.
SERGIO SAMPEDRO ESPINOSA, 8 ans dĠemprisonnement en premier degrŽ ;
ALFREDO SANCHEZ, 4 ans dĠemprisonnement dont 3 en premier degrŽ .

PubliŽ dans lĠel Borito de juillet 2001

[Extrait de L'Envolée #4, janvier 2002, p.19]