- 3 février 2001 : journée internationale pour la libération de Francisco Brotons Beneyto -

Nous reproduisons ici des extraits de la déclaration de Francisco qu'il a écrit pour cette journée internationale, depuis la prison de Sevilla 2, en Andalousie, et qui a été lue sur la Plaza de la Universidad à Barcelona, dans le cadre d'une manifestation de solidarité. Lors de cette journée du 3 février, des rassemblements et actions ont eu lieu dans au moins 17 localités espagnoles (manifestations à Bergüenda, Vitoria, Bizkaia, Barcelone, Girona, Madrid etc.) ainsi qu'en Italie (devant l'ambassade espagnole à Rome, mais aussi à Padua). Des soirées en soutien à la campagne se sont également déroulées dans de nombreuses autres villes italiennes, à Paris, Londres, Dublin, Vienne, Mexico, Asuncion, Bruxelles, Istanbul, Melbourne, Moscou.

"Compagnons :

Je suis en ce moment à une distance de mille kilomètres, mais je pourrais difficilement me sentir plus proche de vous. J'endure la prison depuis 23 ans, on m'a soumis à toutes les formes d'isolement et de réclusion, mais, par contre, je sais que je ne suis qu'un parmi tout ceux qui luttent pour la liberté, qui dénoncent l'odieux régime fasciste et capitaliste.

Ainsi je peux dire que nous sommes ensemble, unis, en répondant à l'appel d'un grand nombre d'organisations et de collectifs populaires qui montrent leur solidarité en dénonçant la situation à laquelle me soumet l'État fasciste pour le simple fait d'être un communiste et un révolutionnaire et de combattre pour la liberté de tous, comme vous le faîtes.

Mais nous savons tous que nous ne sommes pas ici seulement pour ce fait concret ; nous savons que mon cas (...) n'est pas la seule chose qui nous a motivé pour nous réunir, pour montrer notre rage et notre détermination de lutter. Nous sentons qu'en ce moment, ici, entre nous, il existe des milliers d'autres combattants qui résistent dans les prisons du monde entier, qui ont les mêmes objectifs que nous, qui luttent pour les mêmes idées, qui voudraient se retrouver coude à coude avec nous, en affrontant l'ennemi commun comme ils le font déjà depuis leur cellule.

Avec nous il y a les prisonniers antifascistes, anarchistes, indépendantistes et communistes de l'État espagnol, qui sont soumis jour après jour et pendant des années à la dispersion, à l'isolement, à tout type de torture afin qu'ils renoncent à leurs idées et s'assujettissent à la conception fasciste de "pensée unique"

Avec nous il y a les prisonniers que l'État a classé comme FIES, ces compagnons qui ont pris conscience en prison de leur dignité, qui luttent pour leur droits, qui résistent aux couloirs de la mort des prisons de haute sécurité, qui affrontent quotidiennement les pratiques arbitraires des surveillants et qui ont été récemment les protagonistes d'une grève de la faim pour en finir avec toutes les injustices qui s'abattent sur eux.

Avec nous il y a les militants argentins (...), les camarades turques et kurdes (...), les prisonniers palestiniens (...), Mumia et Léonard Peltier et tous ceux qui, dans les prisons des pays impérialistes, payent de leur vie le terrible crime d'aimer leur peuple et leur classe et d'agir en conséquence pour détruire les causes des souffrances des travailleurs.

La situation dans les prisons du monde est le reflet de l'oppression que vivent les travailleurs et les peuples en général. Tous, dedans ou en dehors de ces murs, connaissons la barbarie politique, l'arrogance de l'État, les injustices quotidiennes. Pour eux, il est toujours plus difficile de cacher ce qui se passe à l'intérieur des prisons. La torture, les tentatives de destruction de la personnalité et de la volonté révolutionnaire (...) sont des motifs plus que suffisants pour nous lancer dans la lutte contre cet état des choses. Connaître ce qui se passe ici à l'intérieur, la brutalité des surveillants, l'arbitraire des juges, la souffrance de milliers de personnes qui ne se soumettent pas au pouvoir institutionnel, engendre pour les antifascistes et les démocrates sincères la nécessité de se solidariser avec les prisonniers et lutter pour éradiquer les causes de l'existence des prisons.

Mais il y a d'autres raisons de se lancer dans cette lutte (...).

Parce que dans les prisons, les compagnons ne font pas que souffrir. Nous ne sommes pas de simples témoins passifs de la brutalité des fascistes au pouvoir. Là où on trouve l'oppression, on trouve la résistance, et dans les prisons, où l'oppression atteint ses aspects les plus inhumains, il y a aussi la résistance qui laisse les traces les plus inoubliables de l'histoire de nos peuples. Dans les pires conditions, lorsqu'il semble que le monde se réduise aux quelques mètres carrés d'une cellule infecte, lorsque les seules visages que l'on voit pendant des mois son ceux de tes propres matons, lorsqu'ils essayent d'empêcher qu'une quelconque voix amie arrive jusqu'à toi, lorsqu'ils te refusent systématiquement le pouvoir de donner une accolade, un baiser à des êtres chères,... il semble que l'ennemi pourrait triompher dans sa tentative de rayer du prisonnier tous ses aspects humains, toutes sa volonté de lutter, tout son espoir. Et ce n'est pas ainsi, pour tant qu'ils essayent, ils n'y parviennent pas.(...)

Ainsi je me permet, pour terminer, d'exprimer un désir, de vous communiquer un rêve. Je crois, que, ensemble, nous peindrons en rouge ce siècle qui maintenant commence. Je crois que, ensemble nous détruirons l'État capitaliste et impérialiste et que nous jetterons dans les poubelles de l'histoire les fascistes, les grands capitalistes, et tous ceux qui vivent du sang du peuple. Je crois que nous avancerons jusqu'à la construction d'une société libre, juste, solidaire, sans exploiteurs ni exploités. Je crois qu'à la fin nous pourrons poser le ciment de la société dont l'humanité a besoin si elle ne veut pas se transformer en esclave de l'impérialisme.

Est-ce seulement un rêve ? Peut-être, mais je crois que ce sont ces rêves qui transpercent nos coeurs et qui arment nos esprits, qui se transforment en objectifs pour ceux qui luttent... Parce que c'est un rêve qui comprend des millions de personnes dans tout le monde, et nombre d'entre nous sont prêts à donner leur vie pour en faire une réalité.

Comme disait un compagnon avec qui j'ai passé de nombreuses années en prison : "Ils nous marcherons sur la tête mais nous mordrons leurs bottes". Oui, ici, dedans, nous continuons à résister et nous sommes sûrs que dehors également vous le faîtes et que toujours plus de combattants s'unissent à la Résistance.

Le fascisme ne passera pas !
Résister c'est vaincre !
En avant la lutte pour l'amnistie !
Vive la solidarité internationale !
Vive l'internationalisme prolétarien !

Francisco Brotons Beneyto, militant du PCE(r) et des GRAPO.

Pour lui écrire : C.P. Seville 2, Carretera Torreblanca Mairena del Alcor, km 3, 41007 Sevilla, Espagne

Toujours à propos des prisonnier-e-s des GRAPO, une campagne est également en cours pour attirer l'attention sur le cas de Luis Cabeza Mato, séquestré depuis plus de 16 ans dans les conditions exécrables réservées aux prisonniers révolutionnaires. Il est atteint d'une maladie très grave, incurable (syndrome Wernike-Korsakoff et hépatite C), incompatible avec son maintien en détention. Luis a été condamné à une peine de 30 ans pour son militantisme au sein du PCE(r) et son engagement dans les GRAPO. Cette maladie est une conséquence de la longue grève de la faim menée par le collectif des prisonniers du PCE(r)/GRAPO du 30/11/89 au 8/2/91 contre la dispersion, lors de laquelle José Manuel Sevillano a trouvé la mort. En 10 ans, son état de santé s'est fortement dégradé (perte d'équilibre, baisse de la vue, difficulté d'expression et de prononciation, problème de mouvement etc.) Rien n'y fait, il est maintenu en prison.
Pour plus d'infos, contactez l'ACPG, Avda. Las Conchinas, 14, 5, Izquierda, 15010 A Coruna, Espagne (vous pouvez leur demander la pétition de soutien).

Pour écrire à Luis : Luis Cabeza Mato, CP Herrera de la Mancha, Apdo 77, 13200 Manzanares, Ciudad Real, Espagne.


[Extrait du Bulletin #26, avril 2001, de l'ABC-Dijon]